Jadis Fantômas fit cette déclaration d'une profondeur insoupçonnée: LE BIEN, C'EST CE QUE JE VEUX.


Or, le film tout entier tourne autour de cet "axe moral". Car de quoi est-il question, dans cette œuvre subtilement tendancieuse ? D'un "vieux couple" qui perd son fils (rupture d'un anévrisme ?) et voit leur belle-fille se remarier avec un jeune homme qui se révèle être relativement brutal. Du jour au lendemain, leur vie quotidienne qui tournait largement autour de celle de leur petit-fils bascule quand leur ex-belle fille, son mari et le petit-fils déménagent soudain, sans laisser d'adresse. La grand-mère dont la vie personnelle et la vie de couple sont de toute évidence au point mort décide donc que LE BIEN, C'EST CE QU'ELLE VEUT, autrement dit, qu'il FAUT aller REPRENDRE le petit.


Prenons deux secondes pour considérer cela si l'on veut bien, surtout que beaucoup de commentaires de ce film, ici, me donnent de fortes inquiétudes: imaginez-vous dans la peau de ce jeune homme qui épouse une jeune veuve ayant déjà un tout petit enfant d'un premier lit, et qui vous dit qu'elle en a sa claque de ses ex-beaux-parents (à tort ou à raison). Vous décidez donc de déménager pour vous éloigner d'eux (ou pas, qu'importe) et pour vous rapprocher de chez vos parents à vous. Et tout d'un coup, vous apprenez que les ex-beaux-parents ont décidé de venir vous prendre un enfant auquel vous vous êtes déjà attaché, et qu'en outre cette décision qui ne repose sur rien de solidement étayé devant un tribunal des affaires familiales (on vous reproche une taloche distribuée ici et là, rien qui ne constitue une base juridique) est de nature à détruire votre couple. Seriez-vous d'accord avec ces deux retraités qui s'ennuient et veulent combler leur vide intérieur à l'aide de ce que les spécialistes appellent un "enfant de compagnie" ?


Le scénario reprend ensuite sa justification à rebours en présentant donc la famille (inflexible matriarche, frères du nouveau mari comme de bien entendu patibulaires à souhait) en suggérant au spectateur: "Et vous, vous laisseriez votre petit-fils évoluer dans un pareil environnement" ? Voilà qui nous mène loin ! Alors, comme par hasard, la suite du scénario est "cousue sur mesure" afin de valider une décision initiale qui, jusque-là, n'avait aucun fondement hormis que "LE BIEN, C'EST CE QUE JE VEUX".
Dans cette histoire, d'ailleurs, une chose se dégage assez nettement, à savoir d'un côté trois catégories de femmes:
_ la femme méchante (la marâtre).
_ la femme forte (la grand-mère).
_ la femme victime (la bru).


De l'autre côté, nous avons le pendant masculin:
_ l'homme méchant (les quatre frères Weboy, plus le sévère patron de la bru).
_ l'homme fort (le grand-père).
_ l'homme victime (forcément l'Amérindien ayant été maltraité par l'Homme Blanc, le désormais salaud universel).
A quoi il convient d'ajouter: l'homme lâche (le shérif du coin).


Cette affaire se résout enfin en un combat de chiens féroces: d'un côté la femme méchante qui lâche ses gros rottweiler (fils) sur le vieux pitbull de la grand-mère courage. Mais qu'on se rassure, tout est bien qui finit bien, puisque tous les méchants sont définitivement punis. Oh, certes la grand-mère courage a perdu son cher pitbull dans cette rage destructrice, mais l'essentiel est sauf, elle remporte le prix tant convoité (le petit-fils) et prend sous son aile protectrice la femme victime (la bru). Très symboliquement, c'est désormais elle qui tient ostensiblement le volant, et elle sourit. Le soleil se lève au loin et éclaire un ciel qui s'annonce radieux: LE BIEN AURA EFFECTIVEMENT ÉTÉ CE QU'ELLE AURA VOULU.

StanAuJapon
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le 10 janv. 2021

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