On va vous le dire poliment mais fermement : crevez-y dans votre Bordellistan !

La chute de Londres aka Londres as Fallen n'a pas reçu les honneurs d'une mise en scène par Antoine Fuqua, contrairement à son prédécesseur La chute de la Maison-Blanche aka Olympus as Fallen (2013). C'est plutôt à sa grossièreté fracassante qu'elle doit le large écho rencontré, en plus de surfer sur un succès établi (qui était resté cantonné aux USA), qu'elle est parvenu à surpasser. Comme divertissement ludique, c'est catégorique sans être glorieux : les gadgets de sécurité ou de surveillance sont assez désuets pour des corps d'élite, les explosions sont énormes, mais sentent l'ingéniosité cheap consolée par la HD.


Avant tout le spectacle est bien crétin et sans goût. Il exploite des clichés bas-de-gamme, flagrants et aseptisés à la fois, étale un accompagnement musical simpliste et monocorde. La débilité des dialogues devient troublante lorsqu'il s'agit de jouer la gravité de genre (« qu'est-ce qu'il y a ? » « rien, c'est bien ça qui m'inquiète » 23''). De toutes façons La chute de Londres n'est pas à la hauteur des circonstances et des thèmes qu'elle nous sert. Elle préfère pousser à saturation un parti-pris aveugle, patriotique bien sûr mais par-dessus tout militariste et niaiseux. Avant le dérapage lors du rassemblement mondial, tout va bien dans le meilleur, le plus lumineux et tranquille des mondes ; le film met l'accent sur les relations inter-personnes, la cordialité générale. Au sommet de l’État, chez les hauts fonctionnaires ou chez le président, règne une ambiance bon enfant.


Là-dedans Gerard Butler a le rôle de l'honorable vigile. Il est une version ultime de cet idéal de braves mecs, forts et gentils, naturellement badass et harmonieux, protégeant le camp des dominants cools et intelligents qui ne se prennent pas la tête et vivent bien ancrés dans la réalité. Sa première séquence en fonction, c'est en jogging avec le président (avec une tête de nouveau George W.Bush ou de réactionnaire autrichien – empruntée à Aaron Eckhart), qui lui-même sait rester accessible et décontracté, signe probable de bon sens et de maîtrise. Ok il y a deux ombres au tableau : la belle-mère est chiante et Mike est un peu parano parfois (mais c'est pour la bonne cause, alors que la bourgeoise est plus une fouine qu'une bienveillante). Le diaporama des autres chefs d'état montre également des professionnels sérieux, des bons gestionnaires affables, sachant profiter des beautés de la vie pour l'italien ; le français fait exception, cet arrogant jouant les princes détachés.


Tout ça est trop limpide dans son déni, trop candide dans sa brutalité. Y a-t-il parodie, volonté de le simuler pour dompter les emmerdeurs, de se garder une brèche ouverte car on est pas sûr de son délire ? Gerard Butler vire tête brûlée, multiplie les punchline de sanguins obtus et les attitudes allant avec, comme la torture gratuite. Des laïus sentimentalistes traînent le long, mais la connerie aussi s'affiche sereinement : « retourne au Bordélistan » (approximativement) est le climax d'une série de phrases de rupture, lâchées par un Mike expéditif face à l'adversité. C'est un peu le 'beauf' badass qui oserait formuler cash ce qu'on se contente de ressentir ; idem pour sa violence, il s'agit apparemment en théorie d'un super-héros 'réaliste'. Voilà OSS 117 sans l'esprit, les neurones, la classe.. mais mobilisés dans ses couilles et avec encore plus de détermination !


Les attentats sont sauvages mais les terroristes restent rationnels ; nous patriotes, eux passionnés, nous avons des points communs ! Concrètement ils en ont tout de même davantage avec nos propres extrémistes. Car il y a pire que nous, défenseurs et promoteurs de l'empire américain : ces tarés prêts à mettre de l'huile sur le feu, provoquer le pire pour calmer leur peur et exulter leur haine (qui n'est pas contrôlée ou constructive comme celle, lointaine et carrée, de Mike). Eux en viennent en nihilisme et sont les responsables de nos fautes. Cela étant il faudra bien défoncer l'adversaire jusqu'à la dernière miette, que ce soit par nécessité ou précaution. Le vice-président interprété par Morgan Freeman appuie idéologiquement et stratégiquement ce mouvement ; la séance se ferme sur son appel à l'intervention armée pour contrôler un monde dangereux (sans tenir compte de la nature de cette hostilité) – contre les pinailleurs ou excentriques préférant 'ne rien faire'. Cette caricature sur le tard (2016) du néo-conservatisme US laisserait circonspect si les adversaires ne faisaient pas explicitement écho à l’État islamique et au dossier syrien.


https://zogarok.wordpress.com/2016/12/30/la-chute-de-londres/

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le 30 déc. 2016

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