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Nous rencontrons des problèmes techniques sur la partie musique du site. Nous faisons de notre possible pour corriger le souci au plus vite.
La Cité de l’indicible peur est un brouillard du sens où tout, des mouvements aux paroles, se couvre de fumées. Le personnage campé par Bourvil est, lui, un feu follet : nous le voyons sautiller à la manière d’un fou dans un village hanté par les spectres de la culpabilité. Il traverse la lande digne d’une enquête de Sherlock Holmes – le manteau anglais appuie cette analogie – comme animé par une énergie aussi étrange que les figures qu’il rencontre. Il se nomme Triquet, soit le battoir servant au jeu de balles et contre lequel se répercutent les coups, ici les crimes d’un lieu apparemment calme. « Il n’y a que des honnêtes gens dans notre bonne ville de Barges ». De barjots, oui ! Dans la pharmacie de M. Paul, Triquet prend plusieurs fois la pose devant une publicité pour des Tricostérils ; c’est dire qu’il agit tel un pansement où se résorbent les violences, la proximité phonétique aidant. Car notre inspecteur de police semble opposer son corps au mal, il n’hésite d’ailleurs pas à intervenir au péril de sa vie. C’est lui qui arrache le costume, c’est lui qui ouvre les portes, ventile les armoires au point d’en extraire une grand-mère – « Si vous n’aérez pas la grand-mère de temps en temps, vous aurez de mes nouvelles » affirme-t-il. Il apporte la lumière au sein des ténèbres, il démasque l’hypocrisie au sein de la banalité du quotidien et oppose à la cruauté froide et dénuée de fondements véritables une certaine forme de candeur. Il ne cesse d’être surpris non par l’incongruité des situations dans lesquelles il se trouve, mais parce qu’il découvre une nature humaine proche de la bestialité qu’il ne soupçonnait pas. « Je ne cherche pas, je trouve, hélas ». L’interjection dit tout.
Quant à la fameuse bête, émanation du potentiel magique cher à l’Auvergne – pensons à la Bête du Gévaudan –, elle agit en contrepoint comme force néfaste à l’œuvre : et si le mystère, comme l’horreur, est une construction humaine, Jean-Pierre Mocky prend le soin de n’en jamais lever complètement le voile, si bien que l’atmosphère lugubre triomphe malgré le simulacre de résolution finale. Les brouillards se résolvent, s'expliquent mais restent attachés au territoire qu'ils recouvrent. Il y a ces cavaliers qui ouvrent et ferment le film, des visions apocalyptique tout autant que grotesques qui portent en elles-mêmes la tonalité de l’œuvre, oscillant avec un équilibre rare entre la farce, le thriller et l’épouvante. Cette intrication, nous la devons au romancier à l’origine dudit film, Jean Ray. Également au dialoguiste qui n’est autre que Raymond Queneau : de la répétition loufoque de mêmes répliques aux réflexions pseudo-philosophique de l’inspecteur, l’absurde règne ici en maître. Brouillards du sens.
Mocky réussit alors à teinter un fantastique déjà audacieux dans le paysage cinématographique français d’intonations sorties d’un théâtre à la Beckett. Ce faisant, il allume un incendie qui détruit les repères traditionnels et abandonne ses personnages dans un grand brouillard, contraints d'avancer à tâtons et de s'entrechoquer. Il signe une œuvre satirique et envoûtante dont le soin accordée à la photographie façonne une ambiance dont on ressort captivé et ravi, certain d’avoir vu là quelque chose de grand enfoui sous des couches de non-sens délectables.
Créée
le 10 nov. 2019
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