L'adaptation de roman dans un cadre de BD avec du Lynch et un twist

Voilà vous n'avez plus besoin de lire la critique. Non je déconne (enfin je ne sais pas, comme vous voulez). Je ne connais pas Joann Sfar ni le roman qui est adapté ici, donc impossible de dire ce qui est respecté ou non.


En revanche, le film possède une certaine originalité et vaut certainement le coup d'oeil. D'abord par sa mise en scène, le passé de dessinateur de BD de Sfar se faisant clairement ressentir dans le découpage entre les plans et à l'intérieur même de ceux-ci. Les personnages sont ainsi souvent séparés dans le cadre, de manière "diégétique" grâce à des jeux de miroirs ou de murs, mais aussi de manière esthétique avec des traits noirs à la manière d'une bande-dessinée, créant des confrontations directes entre les personnages, une horizontalité temporelle dans le montage alterné, voire même des ellipses au sein d'un même plan. Cette technique n'est certes pas totalement nouvelle, mais je ne l'avais encore jamais vu utilisée comme cela, dans un rôle narratif prépondérant au début du film (car malheureusement, le procédé est quasiment absent de sa deuxième moitié).


Il y a également des fondus, faisant disparaître puis réapparaître les personnages, un peu comme s'ils changeaient de "bulles" de BD. Et puis des cuts rapides, épileptique parfois, le montage se permettant des allées et venues entre plusieurs temporalités, sans que l'on sache s'il s'agit du présent, du passé ou du futur. On voit bien ici une certaine influence de Lynch, cherchant à perdre le spectateur en accord avec la schizophrénie latente du personnage principal.


Le problème est que le procédé, ou alors est-ce la faute du scénario, finit par lasser : on connaît déjà la chanson, mais Joann Sfar s'embourbe à en rajouter des couches et encore des couches jusqu'à l'overdose du final. Un final qui offre à priori toutes les réponses (en tout cas, on n'en sort pas perdu), mais qui est d'une fadeur assez incroyable, se contentant d'appliquer le stéréotype


du piégeur avouant son plan au piégé.


La dame... (on va s'arrêter là pour faire plus simple) est donc d'abord un thriller, principalement psychologique, même s'il n'en a pas constamment les attributs. En effet, la plus grande qualité du film reste sans doute le portrait de cette femme trouble mais sincère, qui n'aime pas sa vie et souhaite en changer, partir à l'aventure, "voir la mer". A la fois douce et autoritaire, un peu coincée et fatale, elle déstabilise sans cesse le spectateur grâce notamment au charisme de Freya Mavor, dont le jeu inégal n'en est pas moins intéressant par son mélange de candeur et de révolte.


Malheureusement, on ne peut pas en dire autant du jeu de Benjamin Biolay (qui a failli m'inspirer mon titre de critique, c'est toujours ça) et de Stacey Martin, d'une froideur sans doute voulue mais... froide. On a également du mal à trouver crédible certaines réactions, mais cela s'explique un peu par la fin du film.


Au final, même si on est parfois un peu perdu, on ne s'ennuie pas pendant ces courtes 1h30 de film grâce à un charme rétro attachant et une grande variété de lieux. Maladroit et un peu lassant, La Dame... reste malgré tout une belle tentative de renouveau du thriller français (merci Besson), une tentative de replacer le personnage au centre du récit à la place de l'action.

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le 5 août 2015

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Antofisherb

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