Adapter en dessin animé, dès 1955, La Ferme des animaux de George Orwell était un pari audacieux, mais aussi extraordinairement exigeant. Comment rendre en images animées toute la puissance symbolique, la noirceur et la grandeur de ce chef-d’œuvre allégorique, véritable caricature féroce du communisme stalinien et, plus largement, de toutes les dictatures ? Le défi était immense, presque vertigineux.
Hélas, le résultat s’avère désespérément décevant. En à peine une heure de métrage, l’adaptation passe complètement à côté de son sujet. Rien, ou presque, de la pensée d’Orwell ne survit à cette version appauvrie et sans magie. Les événements majeurs du roman sont évoqués à la hâte, sans cohérence ni profondeur, comme des fragments juxtaposés plutôt qu’une véritable fresque.
Pire encore, les noms originaux — si emblématiques — sont modifiés : Napoléon devient César, et Boule de Neige, l’alter ego de Trotski, perd toute sa dimension tragique et politique. Son rôle capital dans la lutte fratricide est relégué à une anecdote. Quant à Benjamin, l’âne désabusé, figure cynique et clairvoyante du roman, il se retrouve réduit au silence : un comble, alors qu’il incarne justement la voix de la lucidité amère au milieu du chaos.
Ainsi dépouillée de ses symboles, de sa charge politique et de son souffle prophétique, l’œuvre animée ne réussit ni à captiver ni à instruire. Même pour un jeune public, on peine à discerner ce qu’elle aurait de véritablement enrichissant. Là où Orwell offrait une vision coup de poing sur l’Histoire et le totalitarisme, ce film n’offre qu’une succession fade et désincarnée de scènes.
Le résultat : une profonde déception, et un ennui que la brièveté du film ne parvient même pas à atténuer. L’ombre d’Orwell plane, mais jamais ne s’incarne.