Lise (jouée par Mélissa Guers, convaincante) une adolescente de 16 ans se fait arrêter par la police. On la soupçonne d’avoir sauvagement assassiné sa meilleure amie. Après une incarcération de 6 mois elle retourne chez ses parents équipée d’un bracelet électronique alors que son procès approche.
Mais alors que tout l’accuse elle ne semble rien vouloir faire pour clamer son innocence et préfère se complaire dans un quasi mutisme, ne montrant ni révolte, ni remords, ni sentiments, semblant subir son procès sans bien se rendre compte de ce qui l’attend, de la gravité de l’accusation et paraissant même inconsciente des enjeux malgré les efforts de son père (Roschdy Zem) et de son avocate.
L’un des points forts du film est de parfaitement montrer les mécanismes, les rouages de la justice : tout est filmé de façon crédible, réaliste et deux des rôles les plus intéressants du film sont incarnés par Annie Mercier, excellente dans le rôle de l’avocate de l’accusé, et Anais Demoustier (qui jouait Alice dans Alice et le Maire) en avocat général impitoyable ne laissant rien passer. Les scènes du procès sont remarquablement rendues. Et l’on voit la complexité de juger certaines affaires, certains accusés.
Autre point fort de « la fille au bracelet », les mécanismes psychologiques de l’accusée sont bien traités alors que celle-ci insondable, impassible, fuyante, inconsciente, ne semblent pas avoir de morale ni être capable de définir le bien du mal, incapable de montrer ses sentiments et est parfaitement représentatif de ces accusés qui semblent absents, témoins de leur propre procès, ne cherchant même pas à se défendre. Entre silence et contradiction, une accusée perdue, impossible à cerner mais intelligente et loin d’être antipathique.
Troisième point fort le conflit générationnel entre des parents, classe aisée, aimant, compréhensifs, soucieux de leur enfants et leur fille, ou plutôt l’incompréhension car ici point de conflits, et dont ils vont découvrir au fil des séances du procès sa vie plus que dissolue (enfin selon les normes « bien pensantes ») : multiples conquêtes masculines, également féminines (dont la victime), vidéo pornographique diffusée sur les réseaux sociaux (tiens cela rappelle une affaire récente, non ?*), la réputation d’être une fille « facile » et qui ne s’en cache pas.
Les parents découvrent leur fille sous les aspects les plus négatifs (dans un procès vous savez bien on déballe tout, pas de sentiment !) et qui se révèle au final être une véritable inconnue pour eux, une incompréhension totale de sa réelle personnalité ; une incrédulité et un aveuglement devant cet être, leur fille, qu’ils ont tant de mal à comprendre. Mais cela c’est le lot de la grande majorité des parents évidemment, qui dans 99% des cas n’apprendront jamais rien de la vie de leur progéniture à cet âge ingrat mais il ne faut pas croire que ce comportement est l’apanage de la génération actuelle car hormis les réseaux sociaux omniprésents – la différence est néanmoins de taille - et dont on voit encore tous les côtés néfastes qu’ils peuvent avoir, et une violence gratuite de plus en plus palpable et souvent gratuite, les jeunes nés dans les années 60 étaient sensiblement pareils).
Mais il est vrai que cette génération est souvent perçue comme étant amorale voire immorale, n’ayant aucune limite et incapable de discerner le bien du mal et l’héroïne du film campe à merveille ce genre de personnage ambigu.
Et le réalisateur prend le parti de ne porter aucun jugement moralisateur ou autre et de rester neutre laissant le spectateur juger.
Au fil de l’avancée du procès la tension commence à devenir oppressante à la façon d’un thriller.
Dommage toutefois que le réalisateur Stéphane Demoustier ait voulu que le verdict du procès soit connu du spectateur : bien sûr il y aura toujours un doute (et la dernière scène peut être interprétée de différente façon) mais cela aurait été préférable selon moi que le film se finisse avant la sentence de la cour.
Pas un chef d’œuvre donc mais un bon film sur un sujet de société intéressant


*l’affaire Griveaux pour ceux qui liront peut-être ce texte dans plusieurs années !!

nico94
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Un film pour chaque année de ma vie et Les meilleurs films de 2020

Créée

le 25 févr. 2020

Critique lue 493 fois

7 j'aime

9 commentaires

nico94

Écrit par

Critique lue 493 fois

7
9

D'autres avis sur La Fille au bracelet

La Fille au bracelet
Fêtons_le_cinéma
9

En présence d’un doute

On ne sait pas, on ne saura jamais. On traque les signes, on tente de décrypter les traits du visage de Lise. Si, je la sais coupable. Ah non, en fait je n’y crois pas. Pourquoi ne répond-elle pas ...

le 5 févr. 2020

52 j'aime

5

La Fille au bracelet
Plume231
7

L'Autre Juré(e) !

Coupable ou non coupable ? C'est à chaque spectateur ou spectatrice de se faire son opinion. Il ou elle est placé(e) comme un(e) juré(e) n'ayant pas de preuves solides et irréfutables. Que lui...

le 12 avr. 2021

34 j'aime

5

La Fille au bracelet
ConFuCkamuS
7

Présumée coupable

Il y a quelque chose qui cloche dans l'attitude de Lise (Melissa Guers, formidable). Mais quoi ? La Fille au bracelet se garde bien d'y répondre, préférant laisser le doute assaillir le...

le 13 févr. 2020

24 j'aime

Du même critique

Adieu les cons
nico94
7

Critique de Adieu les cons par nico94

J’avoue que comme pour les films de Kervern/Délépine j’attends toujours les œuvres de Dupontel avec une certaine impatience même si on peut parfois – rarement – avoir de mauvaises surprises (comme...

le 31 oct. 2020

21 j'aime

12

In the Court of the Crimson King
nico94
10

à jamais les premiers

Considéré à juste titre comme le premier album de rock progressif (même si Fripp récuse le terme) "in the court of the Crimson king" est aussi le meilleur album du genre, celui qui a donné ses...

le 3 juin 2018

20 j'aime

77

Une grande fille
nico94
8

Quelle saloperie la guerre !

Léningrad (actuelle Saint Petersbourg), 1945 La guerre est finie depuis quelques mois à peine. Après 900 jours de siège non-stop par la Wehrmacht, des bombardements incessants, des millions de morts...

le 12 août 2019

18 j'aime

48