La grande imposture là où on guettait la féérie

Comment écrire ma déception sans dézinguer ce film, qui possède malgré tout quelques jolies qualités...? Pour une fois, ce n'est pas de ma faute. Soyons honnêtes: l'affiche (sublime), le titre (évocateur), le résumé (délirant), le réalisateur (Guillermo)... je me disais légitimement que j'allais bouffer de la magie, de la féérie, des images incroyables et surtout du drame qui mouille les yeux.


Mais comment vous dire à quel point je me suis ennuyée... Le film est long, mais long... Et la plupart du temps d'un ennui terrible. Elisa est muette, c'est là le charme et la base du film. OK. Elisa a une vie assez pourrie et voue un culte aux œufs durs. OK. Elisa tombe sous le charme de cet homme-amphibien au regard perturbant... mais bordel ça sort d'où? Je voulais les voir s'apprivoiser, je voulais les voir apprendre à communiquer (et pas en une banale scène de 30 secondes, merci). Je voulais voir une crainte mutuelle se développer peu à peu en curiosité puis en affection... J'aurai voulu qu'on se concentre bien plus sur cette romance impossible. Normal quoi !


Que nenni, mesdames et messieurs. Le film se concentre sur le grand méchant (le grand Michael Shannon, qui fait ce qu'il fait de mieux: du Michael Shannon) qui veut détruire la bêbête (qui lui a bouffé deux doigts en plus, y a de quoi être en colère). Ok, pour le piment (un film sans méchant, aucun intérêt), mais bon sang, pourquoi y accorder tant d'importance? La moitié du film, si ce n'est plus, tourne autour du gentil médecin qui doit se débarrasser du monstre pour le compte des russes ou autour de Shannon qui veut trouver QUI a fait échapper la bêbête. Mais les gars, on s'en fout du suspens et de l'avancée de vos recherches. Perso, moi j'étais là pour rêver et chialer.


Et la poésie tant attendue? La romance étrange entre une jeune femme muette et une créature venue d'on ne sait trop où et dont on ne sait trop rien ? J'aurai tant voulu un développement digne de ce nom entre ces deux-là, aussi silencieux et seuls au monde l'un que l'autre, tellement touchants dans leur solitude.


Car là, tel que le film nous présente leur amour naissant, c'est à base de deux rendez-vous au bord du bassin, vas-y que je kiffe ton œuf dur et que j'écoute tes 45 tours. BAM c'est torché. Comme si le réalisateur n'assumait absolument pas de traiter d'une romance entre une humaine et.... une chose? Hey, Cocteau l'a fait avec sa Belle et sa Bête, vas-y mon gars, assume et montre nous ce pour quoi on a payé notre place! Je voulais rêver moi ! Même King-Kong m'a arrachée des larmes quand il tombe de son bulding après avoir sauvé sa belle...


Malheureusement, le film ne tourne pas autour de leur relation (mais alors pas du tout) mais bien autour du méchant très méchant qui veut tuer la bêbête. Oh, mais qui est le monstre entre les deux? Je m'en fous de cette morale-là. Je la connais par cœur. Je voulais voir ce pour quoi l'affiche et le pitch m'avaient tant attirée...


En effet, l'affiche laisse imaginer des images dingues, une histoire invraisemblablement poétique et étrange, une tragédie romantique comme on les aime... Mais ce film est une imposture. Et je n'en comprends absolument pas les multiples nominations.


On a une histoire intéressante qui promet du rêve et des larmes, on un casting de renom (même si je n'ai jamais apprécié le jeu trop poussif et maniéré de Sally Hawkins), on a un réalisateur à la patte fantastique bien connue et on sort de là vraiment déçu, voire en colère d'avoir été dupé à ce point.


Vous l'aurez compris (sans blague...), ce film m'a laissée un goût très amer, car l'ensemble vendait du rêve et je n'ai pas rêvé une seule seconde pendant 2h00. J'attends de voir quelles fichues récompenses il va bien pouvoir obtenir.

LaurianeProvost
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le 27 févr. 2018

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Eli Bennet

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