Dieu que ce Shape of water me pose problème. Peut-être en attendais-je trop finalement. L'ai-je aimé ? Oui, beaucoup. M'a -t-il déçu ? Oui un peu également.
Pourtant en y repensant, j'ai certainement exagéré ses défauts. Il faudra probablement le revoir pour le juger vraiment.
Qu'est ce qui cloche alors dans la forme de l'eau ?
Le personnage d'Eliza ? Non . Eliza est un peu commune, mais elle nous ressemble tant. Discrète, invisible parfois, Eliza ne parle pas , elle n'a pas un sort très heureux, mais Eliza est une belle personne, une âme vagabonde qui se laisse guider par la poésie dont elle pare son existence. Eliza aime l'eau, elle contemple avec une douce mélancolie les gouttelettes amoncelées sur les vitres des bus.
Ses amis peut-être ? Non, ses amis sont, comme elle, de ceux que l'on a tendance à oublier dans cette Amérique des années 60 : un vieux voisin gay qui aime beaucoup Eliza, ou Zelda l'afro, à qui l'on rappelle sans cesse qu'elle doit faire profil bas dans cette société de WASP, mais qui se montre tellement forte lorsqu'elle doit aider ses proches. Ce trio là est magnifique.
La créature alors ? Forme sans nom, sorte de Navi casqué qui
saura faire oublier à Eliza à quel point elle se sent "incomplète", lorsque va naître entre ces deux êtres différents une très belle histoire d'amour, fusionnelle, charnelle.
Pas réellement non plus.
Non le petit bémol que l'on peut apporter à cette partition est d'appuyer un trop fort sur certains ressorts. Le film est très (trop) riche, certains effets sont dispensables, on peut penser à la scène du restaurant pour montrer encore une fois le rejet des homosexuels dans cette Amérique là, ou aux séquences de vie familiale de Strickland (Michael Shanon). A l'inverse certaines thématiques sont esquissées, mais manquent de développement : la place de la femme dans le monde du travail ou dans le couple, l'intérêt présenté par la créature pour les autorités militaires.
Il aurait sans doute été préférable que la relation naissante entre la belle et la bête soit moins négligée, là ou deux scènes suffisent à créer une fusion entre les deux êtres (de la musique et quelques œufs), nous aurions tellement aimé une découverte mutuelle plus progressive.
Malgré tout The Shape of water est très touchant, et nous transporte par instant aux frontières du sublime. Pour cela, merci M. Del Toro.
Pour finir, comment mieux caractériser cette œuvre qu'en prêtant quelques vers de Verlaine à Eliza :
"Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une (forme) inconnue, et que j'aime, et qui m'aime
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend."