Adoubé de partout, The Shape of Water n'en est pas moins une purge inextricable et purulente, et une preuve parfaite qu'un peu de poudre aux yeux empêchera quiconque d'y voir clair... Depuis des années, Guillermo Del Toro soigne la forme. De l'eau autant que de ses films. C'est ce qui a propulsé Le Labyrinthe de Pan ou Hellboy au sommet des tops de ses fans.
Malheureusement, à deux-trois exceptions près, il n'en a rien à foutre du fond.
Ses films sont écrits au fil de la plume, sans relecture apparente, ni remise en question de la psychologie des personnages. Quand il y en a. Ça donne d'insupportables merdes comme Hellboy II ou Crimson Peak et force le spectateur à participer sans le vouloir à une loterie quand il pénètre la salle obscure : le prochain film sera-t'il bon ? Ou sera-t'il une vaste blague ?
Aujourd'hui, vaste blague au menu. The Shape of Water est de ces films qui sacrifient tout effort scénaristique au profit de "scènes cools" ou de "poésie lyrique" empilées jusqu'à plus soif... Or on peut aimer la poésie sans pour autant foutre en l'air ce qui constitue le cœur du drame.
Exemple : pendant tout l'acte I, Octavia Spencer triche sur les fiches-à-pointer de Sally Hawkins pour qu'elle conserve son emploi. Le gagne pain est le sujet de 75% des conversations de cette femme. C'est sacré. Quand Sally décide de dérober la créature, elle se met en travers de son chemin. Personnages, buts, obstacles, conflit... Tout semble fonctionn... Hein ? Ah bon !? Octavia décide sans aucune raison d'aider Sally, juste parce que le scénariste l'a décidé sur le moment.
Cet incident est symptomatique de ce qui ne marche pas dans ce putain de film. Jamais les décisions des personnages n'ont de poids, de répercutions, ni de conséquences... Et si on mettait de l'eau partout pour baiser ? Ça sera joli, et on gagnera des oscars ! Même si le tenancier du cinéma a menacé de nous virer à la prochaine goutte d'eau... ça va faire des histoires si on déverse 6000 gallons d'un seul coup ! Non ? Ah bah c'est cool alors...
Je ne reviendrai même pas sur la coïncidence astronomique qui conduit au climax du film. Un foutage de gueule en règle.
C'est bien triste, car ça ne coute pas plus cher que de bien écrire... La photo est belle, la musique aussi, les acteurs font tout ce qu'ils peuvent pour tirer le film vers le haut, avec une mention spéciale pour Michael Stuhlbarg, seul rôle sympathique de l'ensemble. Malheureusement Michael Shannon, pour la quinzième fois de sa carrière, SURjoue (mal) un méchant irascible sans profondeur.
Même si The Shape of Water est plus appliqué et plaisant que Crimson Peak il n'en demeure pas moins un remake émo de Splash !, mais sans John Candy pour faire des blagues suédoises.