Telle la suite de L’Étrange créature du lac noir, La Forme de l'eau raconte le retour aux États-Unis d'un monstre rencontré en Amazonie. C'est le point de départ de Guillermo del Toro pour son nouveau film qui mêle conte fantastique, film de monstre en passant par la comédie musicale et thriller. Un mélange sublime.


A la fin des années 1950, Elisa, modeste employé muette dans un laboratoire secret, va se prendre d'affection pour cette créature jusqu'à en tomber amoureuse. Après avoir exploré la Guerre d'Espagne dans L'Echine du diable et la période franquiste dans Le Labyrinthe de Pan, Del Toro a choisi la Guerre froide comme toile de fond. Ce monstre amphibien (peut être trop semblable à l'Abe Sapiens de Hellboy, aussi interprété par Doug Jones) va être au centre des querelles entre Russes et Américains. Parmi ces derniers, Michael Shannon campe à merveille le colonel Strickland, glaçant dès sa première scène. Cependant, à l'instar du cruel Capitaine Vidal du Labyrinthe de Pan, l'antagoniste principal est exploré plus en profondeur. C'est un bon père de famille, un bon mari et qui ne torture la bête que sous la pression de ses supérieurs.


Ce monstre, martyrisé par ses ravisseurs, est comme une représentation des minorités persécutées des années 1950-1960 comme les handicapés, les Noirs et les homosexuels. En leur donnant une place essentielle dans son film, le réalisateur signe un film universel, qui prône la différence avant tout. On peut également se demander si Elisa, du fait de son handicap et de ces cicatrices, n'est pas un autre monstre parmi les autres. On connaît bien l'amour que porte Del Toro aux monstres mais aussi pour des lieux chargés de noirceur et de mystère. Comme il le dit lui-même, il a un penchant pour les « endroits mal éclairés ». La quasi totalité du film se déroule dans le laboratoire. C'est dans ce lieu qu'on retrouve la patte de Terry Gilliam ou de Jean-Pierre Jeunet (ce dernier l'a d'ailleurs accusé de plagiat) avec une atmosphère vert d'eau dominante.


Mais La Forme de l'eau est avant tout une romance entre deux êtres qui, privés de parole, arrivent tout de même à communiquer, d'abord à travers les gestes puis à travers la musique. La bande originale d'Alexandre Desplat, récompensée aux Oscars, accompagne la narration de manière quasi ininterrompue et traduit à merveille le flot de l'eau. Cependant, quelque chose ne colle pas dans cette histoire d'amour. On ne comprend pas tout de suite les motivations d'Elisa pour libérer le monstre du laboratoire ; la faute à un scénario pressé de passer à autre chose et donc qui saute des étapes. On aurait aimé plus de scènes de sympathie entre les deux personnages pour mieux comprendre leur lien, quelque peu déconcertant dans certaines scènes.


Récompensé par quatre oscars, dont celui du meilleur film, Guillermo del Toro signe sûrement son film le plus poétique. Ce lyrisme passe par l'incroyable jeu d'acteur, particulièrement celui de Sally Hawkins, d'une sensibilité touchante mais également par la mise en scène. Le réalisateur filme d'une manière très fluide, qui rappelle le mouvement de l'eau. Bien que très sombre, Del Toro nous livre un réel conte de fée, une version contemporaine de La Belle et la Bête, aussi actuelle que touchante.

mad_math
7
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le 19 avr. 2018

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