Dès les premières images, la premières bande-annonce, ou la révélation du synopsis, ce projet a fait lever des sourcils interrogateurs et circonspects tant il paraissait improbable de réaliser une telle œuvre. Et c'est vraiment ce qu'est La Grande Muraille, au final : un film improbable, qui défie le bon sens et la subtilité. Pour rappel de l'histoire, située vers l'an mille, la Grande Muraille a été construite pour protéger l'humanité de créatures assoiffées de sang qui attaquent tous les soixante ans. Par chance, leur prochaine attaque survient au moment où Matt Damon et Pedro Pascal, deux mercenaires à la recherche d'une poudre explosive secrètement gardée en Asie, se retrouvent entre les murs de cette Muraille, découvrent l'existence de ces monstres et démontrent alors des capacités inégalables au combat, sauvant la vie de nombreux soldats surentraînés par la même occasion. S'ensuit une lutte morale des personnages, et une lutte épique sur le champ de bataille.


Si cela semble complètement capillotracté, c'est tout simplement que ça l'est. La Grande Muraille, c'est toute l'exubérance du cinéma épique asiatique (Goemon, D-War, Journey To The West, les adaptations live d'animes...), soutenue par les moyens de production américains. Un bon mélange de cinéma "over-the-top" donc. Et c'est bien le problème. Tout ce qui constitue ce long-métrage aurait assurément repoussé les limites de l'épique s'il s'était agit d'un anime. Malheureusement, en prise de vue réelle, c'est bien souvent trop risible. Tout d'abord car, sous ses faux airs de grosse production hollywoodienne, on se mange tous les clichés habituels des films asiatiques et, surtout, leurs codes d'une culture différente qui donnent (in)volontairement un air de nanar à certaines scènes. En effet, on retrouve les habituels discours d'honneur, de confiance et de bravoure qui viennent alourdir ce tableau déjà très basique. Ensuite, le montage du film est beaucoup trop rapide, donnant la désagréable sensation d'un film de près de 3h amputé d'un bonne heure de scènes dans le simple but de mettre l'action en avant. Et les effets spéciaux, surtout ; il faut voir le nombre de plans d'exposition qui s'attardent sur les CGI, les armées de figurants (numériques), les explosions de couleurs, et autres acrobaties.


Zhang Yimou était pourtant devenu une référence des films d'arts martiaux aux chorégraphies stylisées et impressionnantes (Hero, Le Secret Des Poignards Volants). Toute sa grâce et sa poésie s'envolent ici pour une réalisation bien plus emphatique, grossière par endroit, et en aucun cas mémorable. Évidemment, on a tout de même quelques jolis plans sur certaines séquences, notamment dans cet attroupement arc-en-ciel de soldats, ou quelques scènes de bataille prenantes. Néanmoins, je dirais que c'est en grande partie dû à la musique de Ramin Djawadi qui est bien un des seuls points de qualité du long-métrage. Avec ses progressions épiques, l'utilisation des percussions, de chœurs féminins reprenant des poèmes chinois, l'implémentation d'instruments asiatiques dans les compositions, Djawadi mêle brillamment les orchestrations typiques de blockbusters et les influences asiatiques, réussissant à joliment ramener son thème de temps en temps pour faire frissonner le spectateur à l'orée de la bataille à venir, ou bien pour honorer la mémoire de vaillants guerriers.


Mais La Grande Muraille, s'il ne présente aucun intérêt, que ce soit en terme d'histoire, de personnages, ou bien de spectacle complètement loufoque (les cisailles qui sortent du mur), c'est surtout car une bonne partie de ses scènes et évènements sont repris d'autres œuvres. Débutant comme un buddy movie auquel on peine à croire ; Pedro Pascal empruntant le caractère de Ser Bronn (GoT) dans ce film, on pense ensuite à World War Z pour ces armées de monstres lancées à pleine balle contre la muraille, jusqu'à faire une montagne escaladant la paroi. L'anime l'Attaque des Titans vient également en tête, à la fois pour le contexte du mur protégeant de créatures, mais aussi pour certains soldats très aériens. Les roulements de tambours en pré-conflit feront penser à Mad Max: Fury Road, et tout cet attirail d'armures multicolores ornés de blasons animaliers renverront sans mal aux Power Rangers. Les costumes ont le mérite d'être jolis et d'offrir quelques séquences d'ampleur épique en vue aérienne. Quelques images de Dredd 3D viennent en tête sur le finale irisée. Et toute l'agitation des monstres, leur organisation hiérarchique, les scènes de bataille ou quelques effets visuels font aussi penser à World Invasion: Battle Los Angeles, Edge Of Tomorrow et surtout Pitch Black. En somme, préférez toutes ces œuvres à cette Grande Muraille qui cherche à tout prix à flatter les masses, sans guère d'originalité.

AntoineRA
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le 18 janv. 2017

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