Difficile de passer à côté de l’évènement cinématographique de ce début d’année ! Sorti outre-Atlantique le 9 décembre, La La Land a eu le temps de parvenir aux oreilles françaises du plus grand nombre. L’importante exposition médiatique couplée à l’encensement de ses pairs (7 Golden Globes et 14 nominations aux Oscars, record égalé de Titanic !) en font d’ores et déjà un véritable succès ! Deux ans après Whiplash, Damien Chazelle transcende à nouveau dans le genre du film musical.
Tout commence sur l’un des échangeurs d’autoroute de Los Angeles, bouché par la circulation. Les klaxons stridents font rapidement place à une joyeuse mélodie, Another Day of Sun et ses trompettes entrainantes. La multitude d’inconnus se met alors à chanter et danser entre les voitures. Ils représentent ces nombreux artistes talentueux se bousculant aux portes de la cité des anges, en quête de succès. Cette scène d’ouverture est particulièrement réussie car elle est tournée en un seul plan séquence et utilise une véritable portion d’autoroute ! Il aura fallu trois mois de répétitions de cette chorégraphie pour la réaliser en un temps très limité !
Au milieu de cet embouteillage se trouvent nos protagonistes, cantonnés dans leurs automobiles respectives. On suit dans un premier temps Mia (Emma Stone), aspirante actrice réduite à une simple serveuse dans un café des studios de la Warner. Puis, on fait connaissance avec Sebastian (Ryan Gosling) un pianiste hors pair, véritable puriste de musique. Limité à jouer des standards dans un restaurant sans âme, il rêve d’ouvrir son club de jazz. Ces deux êtres vont se rencontrer plus d’une fois, apprendre à se connaitre pour enfin s’unir dans leur exaltation commune de l’art. Ils vont être l’essence qui va permettre à chacun de leurs moteurs de fonctionner.
L’attente construite autour de cette inévitable union est forte, et l’on attend d’une comédie romantique à ce qu’elle nous surprenne. Ce moment de leur fusion est intéressant dans sa réalisation car il est empreint de poésie et d’onirisme. Cette scène nous permet de nous attacher pleinement à ce couple et de vivre avec eux les péripéties qu’ils vont connaitre.
Si l’histoire d’amour est crédible, le propos sous-jacent de ce long-métrage est éminent. En effet, tous deux croient en leur capacité de défier les lois de la culture de masse. La chambre de Mia a pour décoration un énorme poster d’Ingrid Bergman, Seb parle de Louis Armstrong et ses confères avec amour. Ces références historico-culturelles les définissent, et démontrent leur souhait de se démarquer eux aussi du système établi. Mais certaines certitudes font place au doute, et inévitablement notre pianiste remet en question sa créativité : peut-il rester conservateur avec son jazz puriste et réussir à rassembler les foules ?
Alors que le fond soulève des interrogations pertinentes, la forme est très soignée. Le film est tourné en CinemaScope, c’est-à-dire un format très large, ce qui permet faire rentrer tous les comédiens dans le cadre lors des chorégraphies. De plus, ce procédé est utilisé sous forme d’hommage au cinéma des années 50 tels que Chantons sous la pluie ou encore Un Américain à Paris. Les décors peints, les costumes et la voiture de Seb, toutes ces couleurs rappellent cet âge d’or des comédies musicales. Cette atmosphère profondément rétro témoigne d’un constat : la créativité était plus grande au siècle précédent.
Damien Chazelle met littéralement ses personnages sous les projecteurs : les lumières environnantes s’estompent pour mieux mettre en avant leurs performances. Sa caméra fluide virevolte et capte les mouvements des acteurs afin de faire transparaitre tout le lyrisme qu’offre ce récit. Ainsi, sa mise en scène permet d’entrevoir toute la puissance émotionnelle que dégage le cinéma.
En terme d’acting, Emma Stone est époustouflante à l’image de sa partition chantée Audition (nommée aux Oscars pour la meilleure chanson originale) interprétée en direct sur le plateau de tournage. Ses yeux expriment toute la sensibilité d’une jeune actrice rêveuse. Quant à Ryan Gosling, il semblerait qu’aucun des morceaux joués au piano n’émane de mains qui ne seraient pas les siennes, ce qui démontre une grande préparation artistique en amont du tournage. Néanmoins, ce dernier semble légèrement se complaire dans son jeu par son physique et sa gueule d’ange. On notera le beau clin d’œil de J.K. Simmons, professeur de musique exigeant dans Whiplash, ainsi que la présence de John Legend, véritable star de la Soul aux États-Unis.
Pour conclure, la bande originale est sublime, elle est la force première de cette comédie musicale. On la doit à la collaboration fortuite entre Damien Chazelle et son ami de longue date Justin Hurwitz (Whiplash). La composition s’est effectuée en même temps que l’écriture du scénario, ce qui est assez inédit dans sa conception. En sortant de la salle, tout ce que l’on veut c’est acheter une paire de claquettes et danser !
Verdict
La La Land est un pari réussi dans lequel l’émotion tient le haut de l’affiche ! Il plaira aux couples mais aussi aux célibataires rêveurs… !