Ce qui étonne le plus avec I Confess, c'est sa dimension solennelle, son ambiance sombre et austère, presque anxiogène, qui tranche avec l'habituel cinéma de divertissement d'Alfred Hitchcock. Lui-même ira jusqu'à regretter ce film et son manque probant d'humour et d'ironie. Et pourtant, c'est bien ce ton sérieux qui donne un tel poids dramatique à l'œuvre, rendant d'autant plus fascinant le dilemme moral accaparant le personnage principal, coincé entre son statut de prêtre, son devoir de citoyen et son passé d'homme aimant.
D'une certaine manière, on peut considérer ce film comme le pendant purement dramatique de Strangers on a Train, sorti peu de temps auparavant. Si l'on retrouve la thématique traditionnelle du faux coupable, c'est plutôt sur le principe de l'échange de culpabilité que les deux films se retrouvent vraiment. Ici il n'est pas question d'un pacte avec le diable qui consisterait à échanger deux assassinats, mais plutôt d'un engrenage diabolique qui contraint un individu à porter le poids d'un homicide perpétré par un autre. En acceptant d'écouter les confessions sanglantes de Keller, le Père Logan se retrouve, bien malgré lui, complice d'un meurtre : ne pouvant trahir le secret de la confession, il ne pourra se défendre lorsque la machine judiciaire va commencer à le suspecter, après avoir révélé son passé d'amant. Ainsi, d'une manière assez subtile, Hitchcock va faire courir à son personnage le risque de la double peine ou de la double sentence : le Père Logan peut être condamné au regard de la loi, mais surtout il peut être considéré comme coupable aux yeux de ses concitoyens et de sa paroisse. On pense bien sûr à The Wrong Man, même situation, même cas de figure mais avec les lourdeurs en moins. Le dilemme moral de Logan prend ici une profondeur insoupçonnée, au sens tragique du terme, la justesse et l'élégance gracieuse d'un Montgomery Clift finissant par nous émouvoir totalement. Il est simplement dommage, qu'à cause de la censure, Hitchcock ait dû modifier son scénario, terminant son histoire sur une sorte d'happy end où la morale est sauve. Malgré tout, certains passages sont d'une grande force symbolique, le chemin de croix de Logan, le cheminement à travers la foule et la confrontation aux regards accusateurs.
Sans connaître l'intensité ou la maîtrise des grandes œuvres du cinéaste, I Confess n'en demeure pas moins un film de caractère à l'atmosphère prenante, pour ne pas dire pesante. Dès les premières secondes, notre attention est sollicitée par une caméra investigatrice qui s’immisce au cœur des ruelles anciennes, aux abords d'un obscur château, en pleine ville de Quebec, faisant immédiatement peser tout le poids des traditions et de la religion. La localité surprend et intrigue un spectateur plutôt habitué aux campagnes britanniques ou aux métropoles américaines, on pourra même penser que ce cadre purement catholique ait pu laisser froid un public ricain essentiellement protestant. Oui sans doute, même si la force des images et la clarté du récit suffisent pour rendre cette œuvre aussi singulière qu'universelle.
Le soin apporté à la photographie, le recours à un visuel manifestement expressionniste, viennent nourrir une ambiance des plus anxiogènes. Si plastiquement le film étonne et influence notre imaginaire, c'est grâce à son sens de la mise en scène qu'Hitchcock distille une tension fine et sournoise : vue en contre-plongée ou cadrage expressionniste qui emprisonne Logan dans sa fonction de prêtre, scène de foule aux allures surréalistes, l'angoisse est constante, évoluant sans faiblir jusqu'à l'ultime séquence.
Si le couple Montgomery Clift/ Anne Baxter fonctionne difficilement et constitue sans doute le gros point faible du métrage, on ne peut que saluer la performance de Clift qui donne une belle intensité dramatique à cet homme expiant des péchés qu'il n'a pas commis. Ses finesses de traits sont d'ailleurs parfaitement exploitées par Hitchcock qui joue merveilleusement bien sur l'ambivalence de son personnage, que ce soit sur le plan moral ou sexuel, sur le plan social ou purement personnel. Ces tourments qui touchent aussi bien la vie intime que sociale donnent une belle dimension dramatique à un film qui n'a rien de mineur.