Diouana est une jeune femme vivant près de Dakar, qui va être embauchée par une famille française vivant à Antibes en tant que nourrice. Ce qui était pour elle une promesse de libertés et d'indépendance, elle compte visiter le pays, va se transformer en cauchemar, car la mère de famille va l'exploiter plus que de raison.
La noire de... est le premier film réalisé par Ousmane Sembène, qui m'avait déjà fortement fortement impressionné [en 2021] avec Le mandat. D'ailleurs, Martin Scorsese semble être attaché au père du cinéma africain, car il est également restauré par sa fondation. Et bien lui en a pris car malgré sa courte durée, moins d'une heure, La noire de... montre comment un rêve peut se transformer en cauchemar sans fin pour cette femme, très bien jouée par Mbissine Thérèse Diop. Elle est surtout tyrannisée par la mère de famille qui va lui priver peu à peu de sa liberté en l'exploitant tellement, le mot est lâché, qu'elle va être esclave de ses patrons. Bien que le mari semble être plus clément à son égard.
C'est d'ailleurs un film d'un autre temps, car Diouana est une femme qui n'est quasiment nommée qu'en tant que négresse, jusqu'à une scène très gênante dans une soirée chez ses employeurs, un des invités va vouloir lui faire la bise parce qu'il n'a jamais vu une noire, ce qui est dit texto. A travers ce court passage, on sent la colère d'Ousmane Sembène, très engagé dans les droits de son peuple, où les personnes de couleur sont continuellement rabaissées.
Le film est également ponctué de flashbacks sur le passé au Sénégal de Diouana, sa mère qui lui demande de l'argent, son petit ami (très) indélicat qui lui attrape un sein en voulant faire une photo en sa compagnie, jusqu'à la joie d'être choisie par sa future maitresse de maison lors d'un recrutement sauvage dans les rues.
C'est d'une grande sobriété, presque Bressonienne, au niveau de la mise en scène, uniquement en noir et blanc, (avec une scène originellement tournée en couleurs, qui est celle où le père de famille ramène Diouara jusqu'à la maison à Antibes), mais ça fait justement que je n'ai pas vu quelque chose d'aussi cruel, fort de surcroit, injuste pour le destin de cette femme, mais on sent tout le talent d'un réalisateur en devenir.