La Petite sirène est un peu le grand bazar de l’Histoire où s’amoncellent les périodes plus ou moins bien référencées : le cadre semble mythologique – et grec – avec Triton et ses sirènes, mais la vie terrestre donne l’impression de se passer à la Renaissance. Et dialogues et chansons délivrent un propos ambiguë fait de revendications pseudo-féministes contemporaines énoncées entre deux actions elles plutôt traditionalistes. Entre ces eaux à teneur vaguement historique louvoie une fille de 14 ans qui tombe sous le charme du premier garçon entraperçu, comme tirée du couvent où elle demeurait la cloîtrée. En troquant son signe d’appartenance familiale pour des belles et fines jambes, elle sacrifie sa belle et fine voix que l’homme de toute façon n’apprécie guère ; pas de chance pour elle, c’est justement sa voix que cherchera l’amant ami dont elle s’éprend. L’ancrage historique ne tient pas. L’ancrage symbolique non plus. Car rien n’est véritablement creusé, ni la personnalité de notre prince charmant dont on ne connaît que son chien rigolo, ni la personnalité de notre héroïne qui ne semble jamais jouer de rôle ni politique – elle est pourtant la fille d’un dieu – ni symbolique. Juste la fille, juste le garçon, juste la rencontre et voilà. Disney réduit le canevas à son strict minimum et préfère colorier ses poissons. La très belle animation enveloppe l’ensemble, de bonnes chansons dynamisent le récit. En fait, La Petite sirène agit de la même manière qu’un aquarium : on jette quelques notes et la population se meut un temps. Le souci vient de ce foutoir historique dans lequel les réalisateurs ne semblent piocher que les clichés les plus datés et complaisants sur l’amour : un prince charmant en quête du coup de foudre pour satisfaire papa, une fille niaise qui chante bien et qui troquera sa queue de poisson – originalité évincée – pour adopter les attributs de son tendre époux. Naufragés d’un pouvoir qu’ils ne désirent pas, nos deux protagonistes deviennent des âmes romantiques aussi lisses que le dos d’une raie. C’est quand même bien dommage.