Initiée en 1968, la saga de La Planète des Singes, renaît pour la deuxième fois sur les écrans de cinéma en 2011 avec Rise of the Planet of the Apes. Ce film est bien accueilli par la critique et par le public, fort de ce succès le studio 20th Century Fox annonce en novembre 2011 la mise en chantier d'un autre film avec les mêmes producteurs à la barre. Très vite, le réalisateur Rupert Wyatt et les scénaristes Rick Jaffa et Amanda Silver sont aussi confirmés pour cette suite.

La première ébauche de scénario est prévue comme étant un lien entre Rise of the Planet of the Apes et le Planet of the Apes de 1968. Peu après, les producteurs changent d’avis et souhaitent désormais montrer ce qu'il est advenu des humains et des singes intelligents au lendemain de la pandémie, la grippe simienne. Le scénario est donc plusieurs fois remanié durant les semaines suivantes. Peu convaincu par ses nombreux remaniements et trouvant que le délai de production est désormais trop court, le réalisateur Rupert Wyatt préfère quitter le projet, suivi par Rick Jaffa et Amanda Silver.

Ils sont alors remplacés par le réalisateur Matt Reeves et le scénariste Mark Bomback.

Matt Reeves qui vient d'être papa est frappé par l'évolution de Caesar dans le premier film. Le personnage s'étoffe et prend de l'épaisseur, son savoir s'étend et sa manière de communiquer avec les autres singes évolue. Cela lui parle beaucoup émotionnellement et lui rappelle l'éveil de son propre fils.

Pour son film, le réalisateur Matt Reeves va retrouver le compositeur Michael Giacchino. Ce dernier avait déjà travaillé avec Matt Reeves sur Cloverfield et Let me in, ses deux précédents films.

Matt Reeves va aussi s’assurer que la société de production d'effets spéciaux néo-zélandais Weta et le directeur des effets visuels Joe Letteri soient de retour pour réaliser les trucages numériques.

Dawn of the Planet of the Apes sort en 2014 et traite du même sujet que Battle for the Planet of the Apes, le cinquième et dernier volet de la première série de films de la saga. La devise « Apes not kill Apes » est d'ailleurs une reformulation de la règle sacrée du précédent film : « Ape, never kills Ape ».

Le premier choc provoqué par le film est d'ordre technique. Alors que le précédent épisode disposait déjà d'effets spéciaux performants, les progrès accomplis en seulement trois ans s'avèrent vertigineux. Le jeu de Andy Serkis, star de la performance-capture, est bluffant, tout comme celui de Toby Kebbell interprète de Koba, adversaire de Caesar, et prenant la relève de Christopher Gordon. Les textures sont d'une finesse affolante, tandis que le moindre mouvement simien sidère par sa crédibilité, la force de ces singes incroyables est non seulement palpable, mais la moindre de leurs interactions avec l'environnement, les humains ou d'autres êtres vivants sidère par son photo-réalisme. Et l'émotion de naître autant de la composition magistrale de certains plans que de leur bouleversant alliage de chair et de numérique, comme si artisanat filmique et maîtrise technologique trouvaient ici l'opportunité d'un mariage d'amour autant que de raison.

Mais le métrage de Matt Reeves ne se limite jamais à un formidable accomplissement visuel. Il est également un pur film de cinéma, qui utilise avec humilité et intelligence l'histoire du média pour établir une symbolique composite et puissante. Le conflit larvé puis guerrier qui oppose les humains et les singes puise ainsi tour à tour dans la tragédie grecque, les figures mythologiques universelles et évidemment le western. Car ce que propose cet affrontement n'est finalement qu'une relecture vengeresse d’un conflit génocidaire. À la différence qu'au massacre généralisé d'un parti sur l'autre, le metteur en scène introduit ici une évolution en miroir bouleversante, où chaque belligérant découvre dans son adversaire un double monstrueux, miroir déformant d'une animalité ou d’une humanité dont les limites ne finissent pas de se brouiller avec Caesar / Koba chez les singes et Malcolm / Dreyfus chez les humains.

Le scénariste Mark Bomback va explorer les tiraillements qu'éprouve Caesar. Il doit beaucoup à l'espèce humaine, mais il lui faut aussi préserver les singes. L'équilibre est bien fragile entre le pacifisme de Caesar et la politique d'apaisement des humains. Caesar ne cherche pas à nuire aux hommes, il ne cherche pas la bagarre, mais il ne s'y dérobera pas si les circonstances l'exigent. C’est une force tranquille forcée de diriger ses compatriotes en temps de guerre et assez fort physiquement pour affronter n’importe quel adversaire.

Avant d'interpréter une nouvelle fois Caesar, Andy Serkis s'est demandé où il en était émotionnellement et psychologiquement. Il a beaucoup réfléchi à ce qui s'est passé durant les dix années qui séparent les deux films. Dans le premier film il avait abordé le personnage comme un homme enfermé dans le corps d'un singe. Dans celui-ci, Caesar doit trouver le singe qui est en lui. Il doit enfouir son humanité à l'exception de ce qu'il pense bon pour les singes : la connaissance et l'égalité. Sa trajectoire morale est bien plus complexe que dans le film précédent.

L'arrivée de l'humain altruiste Malcolm ébranle ensuite ses certitudes : Un homme semble comprendre la colonie des singes et n'a pas de préjugés contre eux. Puis c'est la trahison de Koba qui finit par le faire changer. À la fin de leur combat, Koba tente d'utiliser le crédo des singes pour sauver sa peau : « Apes not kill Apes ». Crédo qu'il a lui-même violé sans vergogne. Caesar doit alors faire ce qui lui semble juste. Il décide de le laisser tomber. Tout le système de croyances de Caesar est alors fondamentalement faux. Il a souhaité créer une société simiesque parfaite ou en tout cas meilleure que celle des hommes. C'est cette croyance qui est sa faiblesse. Durant le film, il prend conscience que les singes sont semblables aux hommes. Koba en est l'exemple vivant.

Le scénario développe d'ailleurs beaucoup le personnage de Koba qui gagne en personnalité et en stature dans la société des singes depuis sa libération de la ménagerie. Koba fait partie du premier cercle du dirigeant simiesque. La foi de Caesar en Koba et la trahison de ce dernier est ce qui donne un tour dramatique à l'intrigue. La trahison de Koba montre la faille tapie au tréfonds de chaque être humain. Celle qui fait basculer un héros en monstre. Koba n'est pas le grand méchant du début de l'histoire, ce n'est qu'au bout d'une demi-heure que le spectateur commence à comprendre que Koba pourrait bien être l'antagoniste du film. Toby Kebbell base sa prestation sur le passé difficile du singe. Koba nourrit une haine féroce envers le genre humain. Il comprend le point de vue de Caesar, mais il sait pertinemment que les hommes ont utilisé les grands singes à leur avantage. Il a été drogué, anesthésié, mutilé.

Koba a subi trop d'outrages psychologiques et physiques. Il ne peut pas pardonner. Il a également été conforté dans ce chemin par Caesar. En effet, à la fin du premier film, Caesar permet tacitement à Koba de commettre son premier meurtre sur Steven Jacobs, le patron du laboratoire. Caesar n'a jamais dit au singes qu'ils valent mieux que les humains et n'a pas interdit le meurtre de ceux-ci mais seulement les crimes entre singes.

Caesar doit être opposé à son double maléfique, fougueux et sauvage (mais surtout corps véritablement hybride, et source de l’action), pour que son cheminement vers l’humanité s’accomplisse pleinement. Et de même pour Jason Clarke et Gary Oldman, du côté des humains, qui font le cheminement inverse.

Dawn of the Planet of the Apes possède de multiples niveaux de lecture, une imagerie saisissante, des effets spéciaux bluffants et une musique magistrale, cet affrontement fratricide recèle des trésors d'émotion et de tension, et affiche une teneur philosophique bien plus mature que prévue.

StevenBen
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le 23 mai 2024

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Steven Benard

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