Un blockbuster d'été intelligent, émouvant et impressionnant

Après un « premier » épisode que j'avais trouvé relativement convaincant en tant que reboot de la saga à l'heure des nombreux reboots de qualité très inégale d'autant que le premier film de Shaffner est l'un de mes films préférés, j'attendais pas mal cet épisode-ci. Soyons clairs, je pars du principe que vous avez vu le film, cette critique n'a pas pour but de vous encourager ou vous décourager à le voir, encore moins le faire connaître, par conséquent je vais donner mon avis sans me soucier de ne pas spoiler, vous voilà prévenus, d'autant que je ne me vois pas parler de ce que j'ai le plus aimé sans spoiler.

L'intro montre l'infection mondiale teasé lors du générique de fin du précédent épisode de bien belle manière, pas besoin de scènes spectaculaires : une musique mélancolique, des passages très bien incrustés montrant avec justesse l'étendue de l'infection et les dialogues qui démontrent l'ampleur des dégâts. Ce passage n'a jamais été dans les ambitions du réalisateur, le monde qui s'effondre suite à une infection virale c'est vu et revu, au cinéma comme ailleurs et depuis déjà un bon paquet d'années, il voulait se concentrer sur les Apes (je le préfère au terme de singe, grand singe c'est un peu trop long donc je parlerais d'Apes). Cette mise en contexte obligatoire est plutôt bien gérée en ce sens puisqu'elle fournit les explications nécessaires pour faire le lien entre les deux films tout en laissant place à la première vraie scène, la séquence de chasse.

Que ce soit la chasse ou ce qui suit j'ai beaucoup apprécié la façon dont sont montrés les progrès faits par les Apes qui restent rudimentaires mais fondamentaux (chasse, peinture, écriture...) renvoyant à notre propre préhistoire, j'aurais peut-être même aimé que ce soit un peu plus exploité, à la limite dans une version longue pour garder un rythme soutenu au cinéma, mais non malheureusement les scènes inédites sont bien avares en contenu. Le film rentre très vite dans le cœur du sujet, la rencontre avec les humains. Les trailers officiels ont été plutôt intelligents pour une fois, non seulement ils n'ont pas tout montré mais ils m'ont même induit en erreur. Je craignais que le scénario soit aussi manichéen que dans le premier avec des méchants humains d'un côté et de gentils Apes de l'autre, mais il n'en est rien.

On trouve dans chaque camp des pacifistes et des belliqueux, ceux-ci sont liés par une amitié qui rentrera en conflit avec ce qu'ils estiment nécessaire de faire pour le bien de leur espèce. Si on prend l'exemple de Koba et de César, leur relation commence très bien, l'un sauvant l'autre et inversement, se détériore avec de la méfiance progressive et cohérente l'un pour l'autre pour enfin devenir les pires ennemis. La haine de Koba pour les humains est pleinement justifiée, comme cette scène où il réagit au terme « travail des humains » en montrant ses cicatrices, où quand il comprend que les humains se préparent à la guerre pendant que César ne se doute de rien, on a de l'empathie pour lui et pourtant sa folie meurtrière ira tellement loin qu'il en fera un antagoniste vraiment détestable dans le bon sens du terme.

Mais cette noirceur est teintée de bonté avec ces moments où chaque espèce apporte à l'autre quelque chose. Quelques autres thématiques sont abordées comme notre dépendance à la technologie qui ici nous rendent finalement inférieurs à une espèce animale. Pour un blockbuster d'été avec autant de budget et de campagne marketting, le scénario est bien plus intelligent que la moyenne de ces films. Tous les personnages bien impliqués dans le scénario sont réussis, en particulier Koba, par contres les Apes il faut que ce soit en VO, je suis vraiment pas un adepte absolu de la VO en règle générale mais là il y a une différence flagrante, et certains personnages secondaires comme Maurice restent un peu trop secondaires à mon coup, ça fait partie des points perfectibles du film car il n'est pas parfait bien sûr.

Si dans le fond, le film tape juste, en tout cas à mon humble avis, dans la forme il profite de bons moyens et les exploite avec quelques scènes d'action bien filmées, comme la caméra tournant autour du char pour montrer la progression difficile des Apes, des musiques accentuant très bien ce qui se passe à l'écran... La motion capture doublée du talent d'interprétation d'Andy Serkis (interprète notamment de Gollum, ici de César) fonctionne à merveille mais même pour d'autres Apes, il n'y a qu'à voir l'expression faciale de Koba lorsqu'il feint la débilité avant de se mettre en mode badass psychopathe en un rien de temps, cette seule scène justifiant le visionnage du film.

Concernant la fin, bien que superbement mis en scène je l'aurais mieux vu légèrement différente avec un César mourant qui ne parvient pas à achever Koba, seulement à le blesser à la limite et un César junior qui enfin se révélerait et vaincrait Koba pour devenir un leader qui aurait appris de ses deux mentors d'une certaine façon, l'erreur de Koba fut d'être trop axé sur sa propre histoire qui n'a montré que le mauvais des humains et celle de César d'avoir cru son espèce meilleure que celle des humains, César junior lui aurait pu vivre ses deux expériences et incarner un mix des deux.

Ça aurait eu un peu plus de sens et de portée je pense, d'autant qu'en se faisant appellé César à la fin ça aurait accentuer la signification de ce nom qui se rattacherait celui du leader qui guide les Apes vers le changement quelque soit les films, j'aurais trouvé ça super classe mais je pinaille, le final m'a tout de même beaucoup plus, que ce soit la musique épique, l'affrontement en lui-même, la mise à mort de Koba, le lever de soleil... c'est en réalité très bien c'est juste que je pense qu'elle aurait pu être absolument incroyable.

Le film en lui-même je l'ai beaucoup aimé et suis un peu déçu du peu d'enthousiasme qu'il engendre, je lui reconnais bien sûr ses défauts mais j'ai l'impression qu'il est vu comme s'il n'était qu'un blockbuster d'été et rien de plus, un divertissement grand public aussi plaisant que sans intérêt par rapport aux autres, c'est dommage car si dans la forme il est réussi il l'est aussi dans le fond et remet à jour la saga, principalement son cinquième film complètement obsolète.