Il existe - n'en déplaise aux Hollywoodophobes - des blockbusters intelligents. La Planète des singes : l'affrontement fait assurément partie d'eux, malgré quelques défauts agaçants et évitables.

Il convient de commencer par les bons aspects et le film en a beaucoup à faire valoir. La scène d'ouverture fout des frissons en quelques secondes (avec la participation exceptionnelle de Barack Obama - décidément, l'heure semble être au caméo pour les politiques après celui d'Hollande dans Edge of Tomorrow) et les 10 premières minutes donnent une importance particulière aux singes et à leur mode de vie, leurs échanges, leurs habitudes. On se prend alors à rêver d'une production quasiment documentaire qui se focaliserait sur le point de vue de l'espèce désormais dominante sur Terre mais l'on est vite rattrapé par l'entrée en scène théâtrale (-isée ?) d'une poignée de survivants humains. Ce sera donc du 50-50, peut-être 60-40 pour les singes : la mise en scène alternant de manière égale vas et viens entre hommes et apes (en VO) lorsque les deux espèces ne sont pas réunies.

Il semble aussi important de rappeler l'immense prouesse que réalise Andy Serkis, la performance capture et toute l'équipe des SFX sur le personnage de César, criant de réalisme et irradiant littéralement la performance (assez faible) du reste du casting humain - composé majoritairement d'acteurs moyens, hormis Gary Oldman, qui n'a pas à forcer son jeu pour autant. Le scénario trouve quelques facilités pour faire avancer son histoire mais l'écriture est globalement à saluer, notamment pour les dialogues - avec néanmoins plus de apes punchlines : les spectateurs finissaient les répliques tous seuls, c'est vous dire.

Vous l'aurez compris, rien de bien neuf (par rapport au premier opus), mais rien de bien décevant non plus de ce côté-là. L'affrontement ne s’essouffle pas et emprunte la même voie que celle des Origines, avec beaucoup d'insistance sur la personnalité et le passé de chaque personnage (notamment singe), un timbre beaucoup plus dark et dépressif (assez épidémique pour le spectateur, voir ci-après) et une génération de l'intensité dramatique remarquable.

Seulement, au premier abord, la question du message semble être traitée de manière extrêmement manichéenne : on nous montre clairement les pacifistes et les belliqueux de chaque camp. Mouais. La morale "il y a des cons partout" est assimilée depuis la 6ème, la primaire pour les plus précoces. Le rappeler, très bien. S'obstiner à en faire un sous-texte pour une majorité des scènes, non.

En réalité, la subtilité se trouve ailleurs et plus tard, à travers quelques (trop) rapides images d'une beauté sans nom. Prenons-en deux. La première, Koba qui chevauche la hampe d'un drapeau américain souillé et déchiré, surplombant les captures des hommes par les singes est une allégorie à peine dissimulée d'une dictature qui se maquille. Au passage, le coup d'État du personnage est propre à une métaphore politique là encore un peu simpliste, qui délaisse l'étude de la cause au profit de la (ravageuse) conséquence. La seconde, les dits "primates" chevauchent de magnifiques chevaux noirs, dans un somptueux cadre apocalyptique, est comparable à l'image que l'on se fait des Indiens (ou des Cowboys ?) de l'ancien Western américain.

En revanche, la réussite indiscutable se situe du côté des scènes d'action, réalistes et violentes au possible, miraculeusement dosées et parfaitement mises en scènes.

Et c'est après la tempête, à la toute fin du film, que se trouve la scène la plus marquante de l'oeuvre de Reeves : le dialogue entre César et Malcolm est rempli de sens et sonne comme l'adieu déchirant et résigné de deux utopistes déchus. Difficile d'être optimiste dans ces conditions.

Avec en filigrane un propos assez classique, La Planète des singes : l'affrontement aurait gagné en profondeur en creusant un peu plus des pistes sophistiquées qu'il a préféré négliger. Mais ce n'est pas ce que l'on retient de ce film ambitieux, qui fait surtout la part belle au personnage bouleversant de César ainsi qu'à un alarmisme ambiant très contagieux.
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le 30 juil. 2014

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