Ça lui va bien, à Andrew Haigh, de changer de registre à chaque film et de ne pas s’en tenir à la romance gay qu’il réussît, dès ses débuts, à se réapproprier avec talent dans Week-end et la série Looking. Après les affres sentimentales du troisième âge dans 45 ans, le voilà filmant les grands espaces et les laissés-pour-compte de l’Amérique avec, comme guides occasionnels, un jeune adolescent qui se cherche et Lean on Pete, cheval de course fatigué. Charley a quinze ans, un père un rien loser, un petit boulot chez Del, entraîneur de chevaux (où Charley se prend d’affection pour Pete), et une adolescence abîmée, qui s’est interrompue (il ne va plus à l’école, n’a pas d’amis ni de mère, qu’il n’a jamais connu).


Livré soudain à lui-même suite à un événement dramatique, Charley entreprend alors un long voyage avec Pete, devenu son compagnon d’aventures et improbable confident. Un long voyage à travers l’Ouest américain (Oregon, Idaho et Wyoming) en quête d’une nouvelle famille et d’un foyer stable, ordinaire et rassurant. Au fil de diverses rencontres, de coups du sort et d’une enfance remémorée, Charley se fait héraut et témoin d’un pays affaibli, aux rêves qui n’existent plus (le quotidien difficile de Del, les deux anciens soldats, les sans-abris…), et son périple paraît se calquer sur ces mêmes constats, entre déchirements et désillusions, dans la solitude des terres ou celle, plus violente, des villes.


Tournant le dos à une figure paternelle perdue ou altérée (Ray, le père inconstant, Del, le père de substitution), Charley part à la recherche d’une figure maternelle (cette mère oubliée, la jockey Bonnie ou sa tante Maggy) qui saurait le réconforter, et surtout le ramener dans la vie. Lui permettre de retrouver (de redéfinir) l’amour de l’autre parmi les incertitudes de l’existence (à l’instar de Russell dans Week-end avec Glen ou de Kate dans 45 ans avec Geoff). Classique dans sa forme (peut-être même un peu trop), La route sauvage prouve en tout cas que Haigh, tout en abordant des univers très différents, sait garder intact son art précis de la simplicité, des dialogues et de la direction d’acteurs (Charlie Plummer, belle découverte), des silences aussi et de ces instants de pure émotion, tels des cadeaux.


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mymp
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le 29 avr. 2018

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