Avant de commencer cette "critique", j'aimerais attirer votre attention sur la traduction du titre original "A foreign affair" par celui complètement con de "La scandaleuse de Berlin" qui en dit long sur les stratagèmes pour attirer au cinéma les spectateurs de l'époque. J'imagine que c'est probablement pour faire passer ce film pour une comédie grivoise où l'on espérait voir un peu de gaieté et de jambes après ces sombres années de guerre, plutôt que de le présenter pour ce qu'il est vraiment, c'est à dire un film sur les allemands et sur ce qu'ils ont subi pendant et après cette période.
Le réalisateur a été plus subtil. Mais pas pour les mêmes raisons. Billy Wilder, dans son titre à double sens, évoque les "affaires étrangères" et une "affaire (une aventure amoureuse) à l'étranger". Et c'est ainsi qu'il a savamment utilisé la comédie romantique comme prétexte pour montrer les ravages de la guerre en Allemagne et ce qu'a subi le peuple allemand (en l'occurrence, les Berlinois), mais également dénoncer la brutalité des bombardements alliés et la politique américaine.
Le film démarre par les images d'un jet américain dans le ciel, puis les images d'une ville (Berlin) totalement dévastée par les bombardements que l'avion survole.
Dans le jet, les passagers, une commission composée de 6 ou 7 membres du congrès américains qui, hilares, commentent le désastre en blaguant. Le président de la commission a des haut-le-coeur, non pas pour ce qu'il voit, mais à cause des turbulences qui lui retournent l'estomac. Parmi les membres de la commission, Phoebe Frost, une jeune femme blonde fort jolie (interprété par Jean Arthur), méthodique et rigoureuse potasse ses dossiers. Elle rappelle les termes de la mission, constater le moral (et la morale) des troupes et le bon emploi de l'argent du contribuable américain destiné à remettre en route les infrastructures de la capitale dévastée.
Accueillie par les militaires américains, la commission effectue une visite de la ville, ce qui permet au cinéaste de nommer les bâtiments en ruine et leur fonction originale, de lui rendre son humanité d'avant-guerre. Phoebe Frost est outragée du comportement des soldats américains qu’elle voit tenter de s’attirer les faveurs des Berlinoises contre des barres de chocolat, des cigarettes ou du beurre. Toutes ces scènes de dragues sont traitées avec légèreté, et même parfois en chanson. Le marché noir fonctionne à plein tube. Phoebe profite d’ailleurs de sa blondeur pour se faire passer pour une allemande et ainsi se faire embarquer par deux G.I.s dans leurs fêtes nocturnes. Ils atterrissent ainsi au Lorelei, un cabaret miteux où s’enivrent et s’encanaillent avec des femmes légères et pauvres les soldats russes, français et américains, tout en admirant les performances de chanteuse de Erika Von Schültov (Marlène Dietrich). Elle a le regard des paroles de ses chansons, tristesse, lassitude et désillusion. Au cours de cette soirée, Phoebe apprendra que Erika est l’ancienne maîtresse d’un ancien dignitaire Nazi qu’on croit décédé. Erika aurait échappé aux tribunaux grâce à son nouvel amant, un gradé de l’armée américaine qui la couvre.
Phoebe, investie par sa mission, décide alors de mettre fin à tout ce scandale (les bars, l’ancienne apparatchik du Nazisme, le marché noir). Pour mener son enquête et faire arrêter Erika, elle choisit comme partenaire le Capitaine John Pringle, sans savoir qu’il est l’amant d’Erika.
La trame de cette comédie romantique étant posée, je n’en décrirai ni le développement ni l’issue, ça n’a qu’un vague intérêt. Ils ne sont qu’un voile au travers duquel on doit distinguer le message du cinéaste. J’abrège donc mon propos bien que j’aie encore tant à dire, en vous avouant que je n'ai pu m'empêcher de penser au "Troisième Homme" de Carol Reed sorti en France en 1949, c’est-à-dire à la même époque. Là encore, l’histoire est un prétexte, c’est le décor qu’il faut regarder.

simgood
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le 16 mai 2017

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