Truisme et Nouvelle vague : « L'amour fait mal »

Après le succès de La mariée était en noir, François Truffaut adapte un second ouvrage de William Irish, Waltz into Darkness. Truffaut tourne son grand roman d’amour : un très riche et très beau jeune homme se damne pour une ravissante ingrate.


À l’issue d’une longue correspondance épistolaire, Louis Mahé (Jean-Paul Belmondo) accueille sa promise, Marion (Catherine Deneuve). Le cynisme de cette dernière pourrait rivaliser avec celui de Manon Lescaut de l’abbé Prévost. Marion a assassiné la fiancée, afin d’usurper son identité. Elle épouse Louis, puis s’enfuit avec sa fortune. Le malheureux lance un détective, l’excellent Michel Bouquet, sur ses traces et se fait hospitaliser pour dépression. La fatalité remet la belle sur sa route. Non seulement il ne se venge pas, mais il lui pardonne et s’engage à la protéger. Poursuivie pour meurtre et prête à tout pour ne pas retomber dans la misère, Julie exige de l’argent. Louis sait qu’elle ne l’aimera que le temps qu’ils dilapident son capital, pourtant, il vend ses biens. Lâche et suicidaire, il se révèle cynique et dénué de scrupules. L’orgueilleux Louis est au-dessus de la morale commune et déclare à son assistant : « Vous n'êtes pas de cette race », sous-entendu la mienne !


Truffaut n’a rien perdu de son talent. Il livre une œuvre de qualité. L’action se concentre sur ses deux stars qui ne quittent pas l’écran. Deneuve est une ravissante et pragmatique insouciante. Bébel est un surprenant anti-héros, qui regrettera ce rôle.


Le film souffre dce deux faiblesses. Dès les premières scènes, j’ai du mal à concevoir que mon Bébel, fut-il traumatisé par le décès de son amour de jeunesse, en soit réduit à publier une annonce matrimoniale. J’ai encore plus de difficulté à croire qu’il puisse envisager que Catherine Deneuve lui réponde. La fin n’est guère plus satisfaisante. Louis est ruiné et accablé. Loin de son île, le « beau gosse de riche » se sait incapable de gagner confortablement sa vie. Si, acculé, il a réussi à tuer pour la défendre, il est à bout de forces. Marion va l’abandonner. Il tente de l’enfermer. Elle l’empoisonne et s’empare des clefs. Il crèvera seul. Le retour de Marion est incohérent. Surpris par ce geste, Louis se déclare… prêt à mourir pour elle. Elle affirme être touchée par son amour, le réconforte et ils quittent, main dans la main, le chalet pour rejoindre la Suisse. Cet improbable happy-end est absurde. Je veux croire que Marion le perdra en haute montagne.


Octobre 2018

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le 6 févr. 2016

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Step de Boisse

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