La taupe creuse...les méninges
Après avoir explosé en France avec le superbe Morse, Tomas Alfredson change radicalement de registre en se lançant dans le film d'espionnage "à la papa" avec son adaptation du roman de John LeCarré.
Désertant la Suède et ses paysages enneigés, Alfredson s'attaque ici au Londres des années 70, en plein coeur de la guerre froide. Sa reconstitution d'une Europe divisée est une réussite totale, un délicieux parfum de vintage s'échappant de la moindre image, et la minutie des détails est mise en avant par une photographie digne de la vieille époque, avec des tons désaturés et une ambiance proche du sépia des vieux clichés de nos grands parents. Sa mise en scène, en revanche, est d'une grande modernité, et d'une fluidité exemplaire. Les plans s'enchaînent sans temps morts, et le rythme est parfaitement maîtrisé.
Un souci majeur, cependant, se dresse pour le spectateur ne connaissant pas l'intrigue, et n'ayant pas lu le livre : deux heures, c'est court. Les multiples sous-intrigues, les nombreux flash back et les dialogues parfois un peu abscons s'enchaînent donc, eux aussi, très rapidement, et il vaut mieux ne pas subir de sautes de concentrations, sous peine de se voir irrémédiablement perdu. A noter que Alfredson ne fait rien pour faciliter la compréhension, et on a parfois l'impression qu'il cherche volontairement à égarer le spectateur. Au final, si la grande question (qui est la taupe?) reçoit une réponse claire, le cheminement pour y parvenir est quelque peu tortueux. A revoir, sans doute, afin de tout comprendre.
Le film tourne autour d'un Gary Oldman une nouvelle fois magistral, qui a même accepté de prendre du ventre pour mieux coller à son personnage d'espion vieillissant. Autour de lui gravite la crème de la crème des acteurs de sa gracieuse majesté, moins en vue mais toujours juste, qu'il s'agisse du surprenant Mark Strong, de Colin Firth ou encore de John Hurt, remis du désastre Les Immortels (voir par ailleurs).
Sans doute un très bon film d'espionnage, esthétiquement irréprochable, mais à déconseiller aux amateurs d'intrigues claires ou aux non lecteurs de LeCarré...