N'en déplaise aux contempteurs systématiques du cinéma français, il existe toujours des cinéastes qui aiment emprunter des sentiers non battus, dans une veine personnelle qui parvient à toucher un public ouvert à la fascination. Au même titre que Bertrand Mandico, mais il y en a bien d'autres, et dans un style différent, quoique parfois La tour de glace le rejoint dans sa fantaisie, Lucile Hadžihalilović en fait assurément partie. Son dernier long métrage est l'un des plus lisibles de sa carrière, et aussi parmi les plus somptueux, en termes d'images, dans cette singulière réécriture de la Reine des neiges, qui illustre aussi, à sa manière, l'emprise du cinéma et de ses stars sur le commun des mortels. Les deux héroïnes de La tour de glace, l'une blanche comme neige, l'autre nettement moins, jouent une partition sur la perte de l'innocence et sur l'emprise, thèmes vus souvent sur grand écran, mais que le conte de la réalisatrice noie sous une avalanche de beauté et de poésie, car l'aspect formel du film prend largement le pas sur le fond, sans surprise. D'ailleurs, les scènes plus réalistes captivent peu avec un côté contemplatif et inabouti dans leur signification qui laisse penser qu'elles ne sont là que pour préparer aux moments bien plus peaufinés, dans l'empire magique de l'onirisme et du fantastique.