Avec "Dreams", dernier volet de la « Trilogie d’Oslo » entamée en 2024 par Dag Johan Haugerud, son cinéma de l'intime atteint des sommets de sensibilité et de finesse narrative. Ce film, qui explore la sexualité et le désir à travers le prisme d’une lycéenne d’Oslo attirée par sa nouvelle professeure, se distingue par son écriture irrésistible et par sa capacité à capturer les frémissements de l’adolescence avec une incroyable justesse. Cependant, il soulève également à mon sens la question sur l’équilibre entre la forme et le fond, ainsi que sur la place accordée à la mise en scène.

Le film est porté par une voix off très présente, qui infiltre les pensées de l’héroïne avec une précision chirurgicale. Cette narration indirecte permet de plonger dans les tourments intérieurs de la jeune fille, mais aussi de glisser, par des écarts subtils, vers les débats familiaux qui l’entourent. La mère et la grand-mère, figures centrales du récit, apportent une profondeur supplémentaire en confrontant leurs visions de l’amour, de la fe sexualité et de l’éducation. Leur présence enrichit le film d’une dimension intergénérationnelle, tout en soulignant les tensions et les attentes qui pèsent sur l’héroïne.

L’écriture, à la fois forme et sujet du film, est indéniablement son point fort. Les dialogues sont ciselés, les monologues intérieurs poétiques, et les métaphores – notamment celles des escaliers, qui symbolisent les transitions et les passages – sont utilisées avec intelligence. Cependant, cette prédominance de l’écriture tend parfois à reléguer la mise en scène au second plan. Les images, bien que soignées, semblent souvent réduites à une fonction illustrative, produisant une esthétique lisse qui, si elle est réconfortante, manque parfois de mordant.

"Dreams" se distingue également par son attention presque exclusive sur les personnages féminins. Les rôles masculins sont réduits à leur plus simple expression, ce qui renforce l’impression d’un récit entièrement dédié à l’expérience des femmes. On est tenté de se demander si le film est réellement dirigé par un réalisateur, tant les propos échangés semblent émaner d’un univers strictement féminin, avec une incroyable finesse.

L’esthétique du film est marquée par une ambiance typiquement scandinave : intérieurs chaleureux, canapés remplis de coussins, boissons chaudes et lumière tamisée. Ces éléments réconfortants contrastent avec le froid glacial qu'il fait dehors à Oslo (ou à la Berlinale cette année) !
Blague mise à part, cette opposition entre chaleur intérieure et froideur extérieure renforce l’idée d’un refuge émotionnel, où les personnages se confrontent à leurs désirs et à leurs peurs.

"Dreams" a su convaincre le jury de la Berlinale, remportant ainsi l’Ours d’Or. Le film se distingue par son écriture impeccable, par sa sensibilité étonnante et par sa capacité à capturer les nuances de l’adolescence avec justesse. Il s’agit sans conteste d’un très grand film, qui marquera les esprits par sa profondeur et son audace narrative.C'est est une œuvre singulière, qui offre une plongée intimiste et poétique dans les méandres du désir adolescent, tout en interrogeant les dynamiques familiales et les attentes sociales. Un film à ne pas manquer, porté par son écriture lumineuse.

Radiohead
8
Écrit par

Créée

le 24 févr. 2025

Critique lue 391 fois

7 j'aime

Radiohead

Écrit par

Critique lue 391 fois

7

D'autres avis sur La Trilogie d'Oslo - Rêves

La Trilogie d'Oslo - Rêves
Plume231
8

Portrait d’une adolescence intérieure !

[Rêves est l’un des volets de la Trilogie d’Oslo de Dag Johan Haugerud (très enchanté de faire sa connaissance !). Les films, outre leur réalisateur-scénariste, ont pour points communs d’être...

le 4 juil. 2025

29 j'aime

9

La Trilogie d'Oslo - Rêves
Bernadetta-Chirac
5

L'Amour et le Langage

Vers la fin du film, le personnage principal prononce une phrase que je trouve assez juste. Lorsque son psychologue lui demande comment elle perçoit l’amour, elle répond : « Je ne vois pas l’amour,...

le 1 juin 2025

15 j'aime

La Trilogie d'Oslo - Rêves
Radiohead
8

Tourments de l'adolescence

Avec "Dreams", dernier volet de la « Trilogie d’Oslo » entamée en 2024 par Dag Johan Haugerud, son cinéma de l'intime atteint des sommets de sensibilité et de finesse narrative. Ce film, qui explore...

le 24 févr. 2025

7 j'aime

Du même critique

Downton Abbey III - Le grand final
Radiohead
8

Final au grand coeur

Après avoir vu la série ainsi que les deux films précédents, je vais tout de même écrire quelque chose pour ce "grand final". Treize ans après la fin de la série qui a fait entrer la demeure des...

le 11 sept. 2025

15 j'aime

1

Materialists
Radiohead
6

Pâle chimie

Avec un titre comme "Materialists" , on pouvait s’attendre à une comédie romantique acide, élégamment amorale, sur les liaisons dangereuses entre l'amour et l'argent à l’ère Tinder. Hélas, le film...

le 3 juil. 2025

13 j'aime

Le Ciel rouge
Radiohead
8

Conte aux accents rohmériens

Avec "Le Ciel rouge", Grand Prix du jury à Berlin 2023, le réalisateur livre un conte rohmérien à l’heure de tous les dérèglements, avec un quatuor d’acteurs qui déconstruit le récit avec une...

le 7 sept. 2023

8 j'aime