Le cinéma yougoslave est un continent à redécouvrir. Mais il ne faut pas se leurrer, sous Tito il a donné lieu à une palanquée de films de guerres dans lesquels de courageux partisans défouraillaient du nazi à la pelle. Voir à ce sujet l'intéressant Il était une fois en yougoslavie. Cinema Komunisto.
Mais ici, rien de tout cela. J'ai eu un peu peur au début. On voit des gamins yougoslaves qui se disputent dans des rues en ruine avec de jeunes Hitlerjugend jusqu'à ce qu'un bombardement interrompe l'altercation. La guerre transposée aux enfants, ça ne partait pas très bien. Et heureusement, le film opère un renversement.
Lotti, allemande, cinq ans, et Marko, huit-neuf ans, ont perdu leurs parents dans des bombardements. La petite parle d'une "vallée de la paix" dont lui aurait parlé sa maman, et Marko trouve que cela ressemble à la cabane de son oncle dans les Alpes slovènes. Le duo de minots échappe à la déportation et parcourt les champs à la recherche de cette vallée. En chemin, ils vont trouver un père de substitution, le parachutiste afro-américain Jim, et un cheval blanc. Autour, les Allemands et les partisans sont sur leurs traces.
Mais le film ne cherche pas à nous faire souhaiter la mort des Allemands. Ce qui est le mal, ce ne sont pas les gens, c'est la guerre (les bombardements, d'ailleurs, sont américains). Et dès qu'elle permet un répit, nos petits égarés retrouvent des considérations d'enfant : jouer avec ce qu'on trouve sur le chemin (y compris une carcasse de tank), traîner sa poupée, se chamailler, avoir peur d'un chien, essayer le moulin, faire des présentations avec un épouvantail. Et cette innocence est tout ce qui compte face aux traques dérisoires des adultes. Le soldat Jim le comprend bien : il consacre du temps à sculpter une nouvelle tête de poupée pour Lotti.
Le film m'a touché car il met en scène un anglophone bilingue allemand, un slavophone et une germanophone bilingue yougoslave. La communication d'êtres qui apprennent à se connaître sans disposer des mots pour (la petite faisant interface) est joliment traité.
Le film reste dur et poignant dans son dénouement final. C'est bien ainsi.
Après avoir trouvé le repos au moulin; Jim se fait tuer par un nazi. Il trouve la force de revenir dire aux enfants de fuir. La dernière scène voit les deux enfants traumatisés par la mort de leur ami. Lotti finit par dire "Ce n'était pas la bonne vallée, mais elle doit bien exister. Continuons à chercher".
Tourné dans de beaux extérieurs, solide sur ses valeurs, avec peu de personnages mais bien campés et bien interprétés (le garçon est un peu en retrait, c'est dommage), ce film se hisse au niveau d'un bon John Ford. Quand il n'est pas sadique, le cinéma des années 1950 montre un humaniste robuste. On ne peut qu'en être nostalgique dans les temps obscurs que nous traversons.
Merci Arte cinéma !