Beau somnifère

Que c'est beau de voir l'émotion permettre la perpétuation du capitalisme. Tout miser sur l'individu pour expliquer ses erreurs, en ignorant les causes structurelles pour les revêtir dans une forme conjecturelle: voila le programme de Capra. Dans le plus bel écrin qu'ai pu porter la comédie américaine et le libéralisme, La vie est belle tire les traits de la naïveté au plus haut sous un semblant de critique du capitalisme pour mieux nous convaincre l'impossibilité d'un autre modèle: "il est là, rien a faire, il faut s'adapter, et bougez vous le cul bande de feignasse", dans le film tout tend et tout arrive à ça. Dans la résolution du film, sous le bonheur propre à la période de Noël, le spectateur oubliera les désastres que provoquent le système, ce même capitalisme qui, 13 ans auparavant plaça le fascisme et le nazisme au pouvoir, ce même capitalisme qui créa puis intégrera les leçons des camps de la morts dans l'économie politique contemporaine, ce même capitalisme qui pousse au colonialisme et à l'impérialisme, mais ça l'Amérique le tait, il faut pas le montrer, il faut l'oublier, c'est pas leurs problème, ni le notre d'ailleurs, à nous, occidentaux. En fin de compte, les spectateurs qui sont pourtant les damnés du capitalisme, endormie par se somnifère intellectuel, crieront gaiment "Que vive le rêve américain ! "