Tomas Alfredson est un réalisateur en train de se tailler une petite renommée, mine de rien : après avoir acquis une renommée mondiale avec son thriller froid et macabre Morse, et avoir fait sa première pige internationale avec La Taupe, film d'espionnage prévalant le minimum d'action pour le maximum de pression (ouais, autant dire tout de suite que c'était méga chiant), le voilà qui s'annonce avec un thriller sauce Fincher, tiré d'un de ces innombrables romans scandinaves exposant avec une violence légèrement racoleuse des faits divers sordides (avec, quasiment toujours, un sous-texte politique). Le trailer, misant sur une ambiance mystérieuse et sourde, promettait un bon film d'enquête légèrement angoissant. Mais derrière, les rumeurs se multiplient : Tomas Alfredson n'aurait eu aucun contrôle sur son poulain, et le film se serait fait charcuté en reshoots et autres montages de production. Dans le jargon, on appelle ça un film de studio. Et, malheureusement, le résultat est à la hauteur de ce que l'appellation laisse présager.


Dès la séquence d'introduction, un flash-back dont l'utilité ne sera jamais prouvée, c'est une horreur. Mais pas une horreur façon "Maman a trop cuit le gâteau au chocolat", non, une horreur comme il est inenvisageable qu'il en arrive : après une très mauvaise scène de tension autour d'un interrogatoire dont on peine encore à comprendre la symbolique, survient un court interlude sur ce qui semble être... une course-poursuite ? puis une séquence d'accident sur un lac gelé. AU SECOURS. QU'EST-CE QUE C'EST QUE CE TRUC. Montée dans un enchaînement de plans complètement stupide, filmée avec l'intelligence d'un poisson rouge, dirigée avec la grâce d'un crapaud qui chie, la scène atteint des records de ridicule involontaire. La pauvre actrice qui joue la mère doit encore être en train de pleurer en imaginant que les images de sa "performance" vont être projetées dans le monde entier. Mais bordel, que s'est-il passé dans la tête de l'équipe de tournage pour oser tourner ça ???


Le film commence alors à dérouler son intrigue principale : une pauvrette histoire de tueur en série qui tend des pièges à un duo d'inspecteurs géniaux et diamétralement opposés (bordel de merde). Fassbender joue l'alcoolo atone mais hyper intuitif tandis que Rebecca Ferguson joue l'appliquée brillante, newbie mais en quête de vérité. Et là se posent encore davantage de questions : qui a osé écrire ce script mongol rempli de poncifs ? Qui a osé diriger ces acteurs (attention, on a quand même Fassbender, J. K. Simmons ou encore Charlotte Gainsbourg dans le même film) de cette façon ? Comment le monteur n'a-t-il pas pu se tirer une balle en découvrant les rushs ? Comment Val Kilmer, probablement rongé par l'alcool et une vie de déchéance, ne parvenant même pas à réciter son texte (est-il doublé ? Fort probable), à la mâchoire complètement figée, a-t-il pu être casté ? Comment peut-on filmer les décors blancs de la Norvège avec autant de paresse et d'absence de volonté ? Et pour la deuxième fois, comment peut-on diriger ces acteurs de la sorte ? Petit panel.


Fassbender n'est pas le plus à conspuer : il a l'air de se demander lui aussi ce qu'il fout là, il ne bouge pas, il ressemble à un attardé, mais cela semble être par dépit. Charlotte Gainsbourg, elle, tente de prouver à chaque plan qu'elle est une grande actrice, c'est du délire : dès le premier plan où elle apparaît, elle tente une grimace ridicule, dont on ne sait trop ce qu'elle veut dire, et pratique un anglais se voulant tellement correct qu'il sonne encore plus faux. Elle donne simplement honte. Chloë Sevigny intervient dans trois plans, et trouve tout de même le temps d'y être assommante de surjeu et de faux regard angoissé. ET PUTAIN DE MERDE, LES GAMINS. Il y a une petite fille qui est là, c'est incroyable, elle est d'une nullité à s'en crever les yeux : à la fin du film, elle est à la fenêtre d'une voiture, et manifestement, le réalisateur veut installer une ambiance, faire naître de la tension (sans que cela ne soit jamais de circonstance, mais bon), et la bambinette de jeter un regard noir ridicule, grotesque, à s'en retourner la mâchoire de rire. Mais ce n'est pas fini ! La palme revient au pauvre jeunot qui joue le fils de Fassbender : il est incroyable. Simplement, tout simplement. Quand on a vu des trucs comme la mort de Cotillard dans Batman ou le cri du mec dans Trolls 2, on croit avoir tout vu, mais non : il reste à découvrir le regard totalement hagard de cet adolescent qui devait se demander si la vie valait bien le coup d'être vécue au moment où il était filmé pour être si absent, incompétent. Et, se faire remarquer de la sorte, au milieu de toutes ces prestations piteuses, c'est un exploit incommensurable.


Bon, mais parler des acteurs pour dire qu'un film est nul, c'est assez incorrect. Ce serait comme dire qu'un bocal de cornichons est mauvais parce que l'opercule est mal vissé. Du coup, autant parler du reste, histoire de se donner une crédibilité. Le problème, c'est qu'il n'y a rien de bien, tout est bâclé, nul, il n'y a rien à défendre. L'intrigue est mauvaise ; le côté policier est hyper prévisible, mal assemblé, et derrière il y a des questions politiques qui n'en sont pas vraiment (il y a un suspense autour du personnage de J. K. Simmons... qui ne mène à putain de rien ?), il y a un faux-semblant d'intrigue familiale ridicule, il y a des histoires d'avortement qui ne riment à rien, il y a des ponts qui sont faits entre des choses qui ne semblent avoir rien à voir, et il y a une scène méga ridicule, incompréhensible, méga-mongole, où Val Kilmer retrouve Toby Jones en haut du Mont Floyen à Bergen (merci Julian Alaphilippe de m'avoir fait vibrer) et où leur dialogue est... commenté par d'autres flics qui se parlent à la radio ??? On entend ainsi des trucs invraisemblables, du genre de celles que seul CJP pourrait dire devant un Kosovo - Turkménistan : "Glić a rejoint Berdimuhamedow, il ne manquait plus que ces deux-là !"... Bordel de bordel.


Bon et niveau cinématographique, c'est le zéro absolu, y a rien qui va bien, y a aucun plan qui tient la route, y a aucune idée qui se manifeste, tout est bâclé, ridicule, moche du début à la fin. Aucune lenteur, aucune intelligence, aucune élégance, et même aucune putain de volonté. La bande-annonce laissait envisager un truc un minimum noir, crasse, mais non, rien ne fonctionne, du début à la fin (encore un autre grand moment d'incompréhension, comment les mecs ont pu y croire ?), tout est d'une débilité absolue. Et même quand s'approche l'impression que les mecs ont voulu faire poindre l'inquiétude, la crainte, on a envie de rire : le grand méchant et ses ustensiles cheaps sont faiblards, ses ambitions sont pour le moins... vagues, et il y a même une scène de sexe nullissime entre Gainsbourg et Fassbender qui fait le mort par terre. Le néant absolu.


Tomas Alfredson est-il responsable de l'échec ? Répondre par l'affirmative serait risqué, sachant que le film a dû subir pas mal de transformations entre le moment où Alfredson a pensé l'avoir fini et celui où les producteurs l'ont démonté. Mais, tout de même, tout est à ce point raté, stupide, qu'il est fort probable que le film ait senti la merde très tôt. À partir de là, quand on sait que l'on peut atteindre des records de nanardise, pourquoi tenter de redresser la barre ? Au moins, je sais que je n'oublierai pas cette merde ; sans pour autant que ce soit flatteur. Vient alors pour moi le moment d'expliquer l'horrible jeu de mot du titre de cette critique. Devant ce film, j'ai tellement eu mal que j'ai eu l'impression de me prendre trois grosses bites dégueulasses dans le cul. C'est tout pour moi.

Alfred_Tomasson
1
Écrit par

Créée

le 15 oct. 2017

Critique lue 3.1K fois

21 j'aime

7 commentaires

Alfred_Tomasson

Écrit par

Critique lue 3.1K fois

21
7

D'autres avis sur Le Bonhomme de neige

Le Bonhomme de neige
Behind_the_Mask
4

Dead Snow

Le Bonhomme de Neige, j'avais grave envie d'y aller, au début. Impatient qu'il était, le masqué. De renouer avec Tomas Alfredson. Le Tomas Alfredson, celui du formidable Morse et du très classieux La...

le 4 déc. 2017

35 j'aime

11

Le Bonhomme de neige
pphf
3

Fondu avant usage

Et pourtant, tout s’annonçait sous les meilleurs auspices. • Un excellent roman, tiré de l’œuvre du plus grand auteur scandinave de roman noir, mieux, du plus grand auteur de roman noir tout court...

Par

le 1 déc. 2017

29 j'aime

17

Le Bonhomme de neige
Alfred_Tomasson
1

Le podium de verges

Tomas Alfredson est un réalisateur en train de se tailler une petite renommée, mine de rien : après avoir acquis une renommée mondiale avec son thriller froid et macabre Morse, et avoir fait sa...

le 15 oct. 2017

21 j'aime

7