Il s'agit du dernier film de Fritz Lang qui, revenu de son exil américain, consacre dans son pays d'origine un troisième film au Docteur Mabuse, génie du mal. Docteur Mabuse, le joueur (1922) se déroulait pendant la République de Weimar et la spéculation était clairement désignée comme l'origine du mal, Le Testament du Docteur Mabuse (1933) dans l'Allemagne hitlérienne et le mal n'était plus vraiment un individu pervers mais une pensée collective. Le film fut d'ailleurs interdit ce qui n'empêcha pas Goebbels d'offrir ensuite à Lang la direction du cinéma allemand. Je rappelle, à ce sujet, que le lendemain de cette proposition, alors qu'il pouvait obtenir tous les honneurs, Lang prit l'avion pour la France !
Le Diabolique Docteur Mabuse se déroule dans l'Allemagne d'Adenauer, Mabuse tente de s'emparer de centrales nucléaires pour créer une apocalypse. Mais le mal semble surtout être l'hôtel Luxor, lieu essentiel de toute l'action. Construit par les nazis en 1944, truffé de caméras, de miroirs sans tain, il est une survivance du nazisme. Cet hôtel inspirera l'hôtel maudit d'Inferno de Dario Argento qui, lui aussi, abrite tout un dispositif de surveillance. Lang, délaissant complètement tous les effets (seule la séquence du spiritisme rappelle l'expressionnisme des origines) adopte une esthétique totalement plate imitant l'esthétique américaine. Tout est « propre » pour, comme le note Stéphane de Mesnildot (M. comme Mabuse in Cahiers du Cinéma 737) « faire disparaître les traces du mal, et donner au moins l'illusion de la dénazification (…) Mabuse est le pouvoir lui-même, le " grand inconnu " invisible donc absolu. » Un dernier film prophétique donc !