Le Grand Alibi par Alligator
Ahhhh, après la grotesque heure qui porte bien son nom "zéro", je suis allé à l'abordage d'une énième adaptation francophone d'Agatha Christie. Depuis Mon petit doigt m'a dit, Thomas a fait florès, notamment ici Bonitzer, émule surprenant.
Autant l'avouer tout de go, j'aime bien le cinéma de Bonitzer, malgré sa boboïtude suintante. Il ne cesse de me surprendre. Ces personnages sont pleins d'inattendus. On ne sait jamais vers quels méandres ils vont nous perdre.
Si a priori les mondes de Bonitzer et de Christie sont à mille lieues l'un de l'autre, on peut leur reconnaitre cette similitude de noyer leur lecteur/spectacteur, de les manipuler, de manière heureuse et ludique. Les deux sagouins savent s'y prendre avec un sourire malicieux.
D'abord j'apprends par le générique que le film est une adaptation du vallon de Christie. Et pendant quelques secondes je me demande dans le casting qui peut bien avoir osé joué Poirot.
J'ai attendu son apparition en vain, les auteurs ayant pris soin de l'escamoter. Finalement, à juste titre. Ou disons de manière plutôt réussie. Je ne connais pas les circonstances qui les ont amenés à éliminer ce personnage central de la trame : pas d'acteur susceptible de fonctionner dans le rôle, l'adaptation en histoire franco-française et donc l'inintérêt du personnage belge? Sais pas.
Peu importe au final, parce que ça fonctionne, c'est très bien comme ça. Le Poirophile qui sommeille en moi s'est rendormi rapidement pour laisser place au gamin qui suit cette intrigante affaire de meurtre.
La réalisation sans être belle, s'en tient à l'essentiel. Et c'est à la toute fin, quand tous les morceaux du puzzle retrouvent leur place, qu'on apprécie la mise en scène, le découpage scénaristique, les effets des acteurs, la signification du geste, du plan et de la parole passés. Et d'applaudir à la belle maitrise du récit. Et par conséquent à la réussite en matière d'adaptation.
Faute de Poirot pour démêler le vrai du faux, c'est plus particulièrement l'un des suspects qui va servir de lien avec la vérité.
J'ai bien aimé la direction d'acteurs également.
Tout d'abord je suis encore une fois épaté par la prestation de Mathieu Demy que j'ai dû voir ailleurs dans deux ou trois films. A chaque fois, il avait retenu toute mon attention. Ici encore, malgré un rôle à risque d'alcoolo, il offre une performance pleine de justesse, dans le dire comme dans le geste. C'est serein, naturel, pile poil.
Les autres prestations ne sont pas désagréables. Arditi nous joue un bonhomme fatigué et énervé comme il l'a déjà fait par ailleurs, mais cela me plait bien, surtout qu'il forme avec une étonnante Miou Miou collet-monté un couple plutôt comique.
Lambert Wilson a changé de monde, tout body-buildé de partout, même de la machoire joue un personnage qu'il connait bien déjà.
Caterina Murino a mangé des pâtes. Quelle beauté voluptueuse, bien en chair, italienne quoi!
Valeria Bruni-Tedeschi, Maurice Benichou (je misais sur lui au départ pour interprêter Poirot, je ne suis pas tombé loin puisqu'il joue le flic) donnent eux aussi dans des numéros bien rodés. Là non plus, rien de désagréable. Ils font la job parfaitement.
Surprise, avec Anne Consigny que je n'avais particulièrement remarqué que dans Je ne suis pas là pour être aimé avec un rôle plus complexe et des tonalités plus prononcés, plus romancés forcément. Elle m'a bien plu encore une fois. Une actrice tout en subtilité et facettes.
Et je découvre ici Céline Sallette qui se départit de sa tâche avec suffisament de talent pour ne pas paraitre nulle vis à vis de ses partenaires. Le rôle est il est vrai moins exigent que pour ses camarades.
Je crois que je n'ai oublié personne. Ah si, Dany Brillant, en figurant, n'a pas grand chose à faire et le fait bien.
Oh honte sur moi, je n'avais pas reconnu Emmanuelle Riva. Il m'a fallu aller au générique de fin pour la découvrir. Elle ne fait que passer il est vrai. Non, non, ce n'est pas elle qui meurt.
Et puis... décidément, j'en oublie... la fille de Bonitzer avec un rôle totalement inutile, la fille à papa évidente, juste là pour sortir les inévitables grossièretés du film : c'est un gimmick chez Bonitzer, une femme qui dit bite, couille, ça doit le faire rire.