Le film confirme au moins son parti-pris, celui d'être épique à l'extrême, reprenant ainsi l'héritage du Seigneur des Anneaux. Mais voilà, il en fait trop. A l'image des effets spéciaux numériques vraiment trop nombreux, qui en deviennent moches et désagréables à l'oeil à certains moments, et à l'image de Légolas, sorte de demi-dieu invincible et ridicule.
Peu servi par un matériel narratif maigre - du au découpage en trois films -, le film donne cette impression que Bilbon dans La Communauté de l'Anneau résume ainsi : "je me sens desséché. Un peu comme du beurre qu'on aurait étalé sur une tartine trop grande". L'enjeu majeur étant Smaug, le dragon, dont la mort est expédiée en un petit quart d'heure, avant même l'apparition du titre, le film a du mal à installer un nouvel enjeu dramatique. En résulte une bataille dantesque, où seul le combat prime sur tout le reste.
Pour étayer ma thèse, voici les 15 points WTF de ce dernier opus (attention spoiler) :
- Tauriel et son histoire d'amour ne servent définitivement à rien, j'ai ri alors que j'aurais du pleurer de voir les deux tourtereaux séparés par la mort : "si c'est ça l'amour, ça fait mal.." Grosse larme ridicule.
- Bolg est aussi stupide que son père. En fait c'est son père bis. Fallait-il vraiment deux méchants ?
- Je persiste à dire que les aigles sont tellement badass qu'ils faudrait les engager à plein temps, ça éviterait de nombreuses morts...Ca casserait l'histoire, certes, mais ça serait cohérent au moins. Ils ont laissé mourir les 3/4 de leur alliée mais anéantissent en cinq minutes une armée entière.
- Le Roi des Elfes et son cerf qui encastrent 15 orcs dans ses bois qui se font ensuite tous décapiter d'un simple coup d'épée... no comment...
- Le cousin de Torin avec sa barbiche terminée par des cornes qui tuent les orcs à coup de tête. Vous avez dit nains bourrins ?
- Bilbon qui tue des orcs surarmés et surprotégés ou du moins les assomme avec un petit cailloux.
- Le discours de Thorin, en train de mourir, sur le fait que l'argent c'est mal...
- Les 12 nains qui se décident à entrer dans la bataille et qui la change. WTF. Ces mêmes nains qui foncent tête baissée sur 100 gobelins : "on s'en occupe"
- L'assistant du maître de Dale, le comic relief sympa par moments mais globalement relou et inutile (Jar Jar Binks 2 ?).
- Les trolls difformes avec des ... pieds-bot ?! Le troll qui sert aussi de catapulte et de bélier et qui s'effondre comme une loque après avoir défoncé un mur... en ruine. A la rigueur, ce passage était assez drôle.
- Le fils de Bard qui sert d'appui à une flèche noire capable de transpercer un dragon et qui n'a pas une égratignure ?! Bard, sorte d'Aragorn bis, charismatique mais bien trop fort (la scène du chariot est aussi absurde que délirante).
- Legolas qui utilise une chauve souris pour se diriger sur le champ de bataille
- Legolas qui utilise un troll qu'il dirige avec son épée plantée dans sa moelle épinière, comme ça, tout à fait normal.
- Legolas qui parvient à sauter de pierres en pierres alors que celles-ci tombent dans le vide
- Legolas qui fait sa crise d'adolescence et qui annonce à son père qu'il ne veut plus le voir, en gros.
Ces petits détails, anodins en soit, pourrissent le film dans son ensemble. Peter Jackson est allé au-delà de l'épique, au-delà du crédible et c'est un vrai problème pour moi, d'autant plus qu'il y a des choses intéressantes dans ce long métrage : la scène à Dol Guldur est certes une aparté mais elle est très très classe, avec une Galadriel impressionnante et un Sauron machiavélique (par contre je ne savais pas que Saroumane était aussi maître Kung-Fu). Elle a le mérite de faire le lien en plus avec la trilogie du Seigneur des Anneaux. Les scènes de folies de Thorin donnent enfin de la profondeur au personnage, vraiment attachant. Ce dernier devient d'ailleurs le véritable héros de la trilogie, et Bilbon s'efface un peu plus. La bataille finale a aussi ses moments vraiment très bons : notamment la charge des nains, qu'on avait jamais vu combattre et c'est assez jubilatoire, notamment le combat de Thorin et d'Azog et la scène de fin lorsque que Bilbon revient à Hobbitbourg est vraiment sympathique.
Déçu donc, déçu du trop plein d'effets, du "syndrome Legolas", qui plonge le film dans la surenchère permanente et dans le clin d'oeil constant à la trilogie précédente, comme si le Hobbit était une saga complexée par le prestige de sa soeur ainée. C'est sans doute le cas. Malgré tout, j'ai apprécié retrouver parfois cet univers épique et chatoyant.