Dans un trou vivait un hobbit (Martin Freeman)… Et comme tout hobbit, celui-ci n’aimait pas être dérangé. Aussi, quand une douzaine de nains débarque chez lui sans prévenir, c’est la fin du monde ! Bilbo ne le sait pas, mais il est en réalité la pièce manquante dans le plan du célèbre Thorin Ecu-de-chêne (Richard Armitage), consistant à aller récupérer le trône des Nains, usurpé par le terrible dragon Smaug. Dans ce combat de titans qui s’annonce, le pauvre Bilbo va devoir trouver sa place…


Ce qu’il y a de triste, avec Le Hobbit est que, bien souvent, il n’est pas jugé pour ses qualités propres, mais plutôt sur la base d’une comparaison de puriste avec Le Seigneur des anneaux, comme si Peter Jackson aurait dû s’obliger à conserver exactement la même identité dans les deux sagas, pourtant bien distinctes. On ne saurait trop conseiller aux puristes qui se croient autorisés à effectuer une comparaison aussi hors de propos à aller relire des romans qu’ils clament pourtant connaître par cœur. Ils (re)découvriront alors à quel point on ne trouve rien de plus éloigné dans la littérature que Le Hobbit et Le Seigneur des anneaux. Si Tolkien s’est autorisé un aussi grand écart, pourquoi donc Peter Jackson devrait-il, lui, s’en priver ?
Il est donc inutile de s'adonner à la facilité d’une comparaison qui n’a pas lieu d’être, quand bien même elle pourrait sembler naturelle à cause d’une chronologie compliquée par des questions de droits (quand quelque chose est compliqué dans une adaptation, c’est toujours que les héritiers de l’auteur initial s’en sont mêlés). Au lieu de cela, essayons de n’aborder Le Hobbit qu’à travers ses qualités propres, et non relatives par rapport à d’autres films, meilleurs ou non.


Il faut bien avouer que, même en comparant au Seigneur des anneaux, d’ailleurs, Le Hobbit ne fait pas autant pâle figure que les esprits chagrins le voudraient. Dès les premières images du film, on peut constater une chose : Peter Jackson est toujours aussi généreux et la magie est plus présente que jamais.
Témoignant d’une identité visuelle extrêmement forte, grâce au génie d’Andrew Lesnie, directeur de la photographie attitré de Peter Jackson, Le Hobbit éblouit par sa capacité à nous immerger à fond dans son univers. La caméra, d’une fluidité presque inédite, même si d’aucuns pourront juger qu’elle perd en charme ce qu’elle gagne en virtuosité technique, est un véritable acteur à part entière du film et nous prend par la main pour nous guider dans les différents recoins de cet univers fascinant, dont on n’aura jamais fini de faire le tour. Les décors de la Comté et de Fondcombe nous enchantent, tandis que celui de la cité souterraine des Gobelins révèle une conception d’une complexité qui fait rêver, tant chaque détail a l’air d’avoir été pensé au millimètre près.
Cette rigueur extrême au niveau des décors renforce d’ailleurs considérablement les scènes d’action, qui peuvent alors exploiter à sa juste valeur chaque élément de décor, puisqu’aucun d’entre eux n’a été mis là par hasard. On n’avait pas vu depuis Pirates des Caraïbes des scènes d’action utilisant à ce point l’espace et s’autorisant du même coup une foule de gags pas toujours nécessaires, mais presque toujours drôles (car jamais envahissants). Ainsi, la poursuite entre les gobelins et les nains dans les souterrains est un modèle du genre, tant chaque espace ou chaque élément de décor est utilisé pour donner toujours plus de saveur à la scène.


Mais Le Hobbit ne serait rien sans ses acteurs, et son atout le plus important réside sans conteste en la personne de son acteur principal, Martin Freeman s’avérant capable de faire vivre un film par la seule force de sa présence exceptionnelle. Le duo qu’il développe avec le grand Ian McKellen (et celui avec Richard Armitage, dans une moindre mesure) est un des points les plus réussis du film, tant l’alchimie est totale entre les deux acteurs. On ne peut pas ne pas évoquer la scène grandiose de la confession de Gandalf et Galadriel, où le magicien avoue sa faiblesse et explique y trouver un remède dans la petitesse et l’humilité du hobbit, renouant d’ailleurs avec la dimension christique qui porte toute la saga du très catholique Tolkien.
Développer le spectaculaire sans négliger ses personnages, c’est donc bien le pari que Peter Jackson relève encore une fois haut la main dans ce film. Il peut ainsi introduire des enjeux émotionnels solides (quand l’acteur principal s’appelle Martin Freeman, c’est plus facile), tandis que le spectateur venu ici juste pour le divertissement en a quand même pour son argent.
Enfin, la Terre du Milieu ne serait rien sans la présence de Howard Shore, qui nous offre – une fois n’est pas coutume – une partition incroyable, bien digne de la Terre du Milieu, qu’elle fait vivre par la seule force de ses harmonies décidément hors du commun.


Il est à noter qu’en tant qu’adaptation également, Le Hobbit : Un Voyage inattendu n’a pas à rougir de ses évidentes qualités. Les plus inconditionnels du roman retrouveront avec plaisir des scènes cultes que Peter Jackson a retranscrit avec la plus grande fidélité du monde. S’il se plaît sans cesse à ajouter de la matière à une histoire qui n’en avait - reconnaissons-le - pas nécessairement besoin, les étapes attendues sont là, la plus belle et la plus grande étant sans conteste la formidable scène des énigmes.
On attendait Jackson au tournant, et il ne nous a pas déçus. Véritable leçon de cinéma à elle seule, cette confrontation entre Bilbo et Gollum laisse éclater comme le faisaient les films de la trilogie précédente tout le génie de Tolkien, renforcé par une mise en scène proprement exceptionnelle, dynamisant ce qui aurait pu n’être qu’un dialogue dans le noir. Avec la caméra d’Andrew Lesnie, cela devient un véritable duo d’opéra, magnifiquement chorégraphié, utilisant toutes les potentialités offertes par le décor et les jeux de lumière. S’il fallait ne retenir qu’une preuve de l’immensité du talent de Peter Jackson, cette scène en serait une des plus belles.


Si les esprits chagrins préféreront s’attarder sur un humour certes un peu bouffon (le repas des trolls, le personnage de Radagast, etc.), les autres s’émerveilleront de voir cet univers sans cesse renouvelé par le génie sans failles d’une équipe qui ne nous a jamais déçu. Et si, peut-être, ce Hobbit n’arrive pas au niveau d’un Seigneur des anneaux (cela pourrait être un sujet de débat sans fin), il en constitue tout de même un digne prologue, qui n’a d’autres ambitions que de nous offrir un nouveau tour dans le plus bel univers qui ait jamais pris vie sous l’œil d’une caméra.

Tonto
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le 14 mars 2021

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Tonto

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