Le Labyrinthe du "FAUNE"... et non pas Pan (ATTENTION SPOILERS) !

Qui n’a jamais été bercé par un conte de fée ? C’est ce qui compose, pour beaucoup d’entre nous, une partie de notre enfance et que l’on garde en mémoire pendant toute notre vie, et c’est la transition parfaite pour "Le Labyrinthe de Pan" de Del Toro qui s’inspire de nombreux conte comme "Alice au pays des merveilles" de Lewis Caroll, "Le magicien d’Oz" de L. Frank Baum ou encore "La petite fille aux allumettes" de Hans Christian Andersen.


C’est mon deuxième film de Guillermo Del Toro après le très bon "Pacific Rim" qui était assez original dans son concept et terriblement efficace dans sa réalisation malgré un scénario des plus classiques. Pendant un long moment j’ai hésité à voir "Le Labyrinthe de Pan" parce que je ne savais pas quoi penser de l’univers qui serait développé dans ce film avec le mélange de la guerre espagnole et le fantastique sans oublier un aspect horrifique qui semble propre au réalisateur. Autant le dire de suite, les contes et la guerre, ça ne se marie pas très bien à la base… mais alors là putain de bordel ! Non seulement Guillermo Del Toro m’a foutu une branlée émotive comme jamais, mais en plus il peut désormais compter un de ses long-métrage dans mon top 3 de mes films préférés. J’ai aimé ce film pour des raisons personnel grâce à son sujet et son héroïne, mais n’allons pas trop vite au casse pipe et comme je commence à avoir une habitude dans mes critiques, commençons par parler de la mise en scène du réalisateur mexicain, son univers et son visuel.


La première chose que l’on remarquera, c’est l’intérêt qui est porté autour du fameux labyrinthe du faune (et non pas d’un pan comme beaucoup semble le croire… faudra justifier le titre anglais comme le titre français d’ailleurs), comme


la première fois ou l'enfant y entre en filmant d’abord derrière Ofelia lorsqu’elle y entre la première fois avant de passer par-dessus et de la suivre longuement à l’intérieur du vieux labyrinthe à côté de la maison du capitaine Vidal.


Il a recours de nombreuses fois au plan-séquences qui arrive à faire ressortir une véritable ambiance du stylisme de son monde merveilleux et de l’horreur de la guerre entre franquistes et maquisards,


[spoiler]rien qu’avec l’ouverture et la narration d’une voix-off racontant un conte de fée qui est immédiatement basé autour de l’héroïne de ce film, étant donné que le but de cet œuvre n’est pas de faire planer le mystère autour de l’identité de la fameuse princesse Moanna.[/spoiler]


L’univers dépeint par Guillermo Del Toro n’en est pas moins réaliste est dure en sachant qu’on assiste quand même à bon nombre de séquences très sanglantes avec une grande absence d’édulcoration. Non et non, là, tout est clairement montré et ça n’en est que plus tétanisant quand on voit à quel point le capitaine Vidal est un gros salopard de catégorie suprême


[spoiler]rien qu’avec les méthodes qu’il emploie pour torturer un maquisard bégayant ou la manière avec laquelle il abat un simple villageois à l’aide d’un bouteille, et ce n’était surement pas le seul durant cette époque.[/spoiler]


Et après "Pacific Rim", ce mec me convainc totalement de sa passion pour les monstres et les insectes


[spoiler]quand on voit que la « fée » rencontré par Ofelia en début de film était à la base une sorte de fusion entre une mante religieuse et une sauterelle géante avant de se transformer lorsqu’Ofelia lui montre une image d’une fée dans son livre[/spoiler].


Donc, ce cher mexicain se révèle être un grand amoureux des monstres et des insectes pour notre plus grand plaisir et accorde autant de méticulosité à l’aspect conte de fée qu’au conflit espagnole qui se poursuit en parallèle, et c’est tout simplement parfait pour la suite. D’autre part, il impose aussi son propre visuel avec ce mélange de féerie et de gothique, le design du faune n’était pas pour me déplaire et les couleurs du repère de l’ogre variant entre le rouge froid, le brun blanchis et la blancheur pétrifiante de l’ogre qui sont là pour rendre l’atmosphère aussi fascinant qu’inquiétante. Et tout cela avec un petit budget modeste de 19 000 000 $ seulement. Les effets numériques sont crédibles et convaincante même si


[spoiler]la grenouille de l’intérieur de l’arbre sent l’incrustation en CGI et n’arrive pas à paraître réel (d’ailleurs si je rencontre une grenouille comme ça dans la vraie vie, je me sauve direct),[/spoiler]


mais bon avec un budget aussi restreint à la disposition du réalisateur on peut être indulgent et en général la direction artistique est impeccable.


J’accorde, toutefois, une énorme affection pour la composition de ce film puisque, Javier Navarrete étant à la barre, a orchestré la majeure partie musicale du film à partir du thème principal qui constitue en une petite berceuse fredonné par l’un des personnages principaux. Cette même mélodie est déjà magnifique à écouter, mais chaque variation qui en est fait apporte à la fois un sentiment de féerie mais aussi de tragédie et de nostalgie particulière. Les autres morceaux sont là pour le ton impitoyable de la guerre franquiste, ou renforce la sensation de drame et de féerie. Magnifique bande-son dans l’intégralité, et difficile d’oublier un thème comme celui-là.


Parlons maintenant interprétation au niveau des comédiens et des personnages, parce qu’ici chacun des protagonistes centraux ont une importance dans ce que ce film m’a fait ressentir personnellement : Ivana Baquero jouait la petite Ofelia, une fille de 12 ans bercée par les histoires pour enfant et les contes de fées et là, soit ça vient d’une très bonne direction d’acteur de la part de Del Toro, soit la jeune actrice sait se montrer très juste et émouvante dans son jeu… ou les deux aussi. Enfin bon, ici Ofelia est très attachante et émouvante dans le fait ou elle fait figure de la représentation de l’enfance,


[spoiler]surtout quand on sait comme son voyage se termine.[/spoiler]


Elle n’en fait jamais trop et elle nous inspire énormément de compassion. Doug Jones interprétait l’ogre de la deuxième épreuve et bien sur le fameux faune qui nous a été présenté (et non pas un Pan… pourquoi Pan bon dieu ?) et il s’en sort avec brio, que ça soit pour le faune ou l'homme pâle qui a un design assez classe également. Le personnage du capitaine Vidal, joué impeccablement par Sergi Lopez et carrément détestable du début à la fin, est l’image même du régime franquiste dont Del Toro fait la représentation à travers ce personnage violent, sadique et dont l’inhumanité se fera de plus en plus sentir. Certains lui reprochent peut être d’être un gros stéréotype de connard espagnole du régime de Francisco Franco, sauf qu’il est justement censé l’être, c’est totalement assumé par le besoin du scénario.


Maribel Verdú jouait, quant à elle, Mercedes,


[spoiler]une femme soutenant la résistance en espionnant le capitaine Vidal et qui se bat pour survivre dans cet univers réaliste et cruel de la guerre civile espagnole.[/spoiler]


L’actrice s’en sort aussi très bien et sa relation avec Ofelia est plus qu’appréciable,


[spoiler]cette dernière lui chantonnant par ailleurs la petite berceuse sans parole qu’on entend en début de film.[/spoiler]


Alex Angulo inspire assez de sympathie en docteur ayant une certaine conduite morale admirable et suffisamment développé


[spoiler]pour le prendre en pitié lors de son assassinat des mains de Vidal,[/spoiler]


et Ariadna Gil jouant Carmen la mère d’Ofelia est la représentation de celle qui a cessé de croire aux bonnes histoires et qui se laisse finalement engouffrer dans la sombre et cruelle réalité qui l’entoure. Et enfin, Roger Casamajor a un rôle plus anecdotique mais qui constitue un intérêt pour Mercedes dans ses actions et l’acteur s’en sort plutôt bien pour les quelques apparitions qu’il effectue. Dans l’ensemble, les acteurs font un excellent travail et chacun des personnages centraux ont une signification, l’écriture est remarquable, et il est grand temps de conclure en passant au dernier point de cette critique, à savoir le scénario du réalisateur (également scénariste) (attention les spoilers ne vont pas manquer) !


Faire un mix entre un film mélangeant la féérie et la guerre civile espagnole, ça peut paraître ridicule dit comme ça surtout quand on voit à quel point le monde réel peut paraître très semblable au nôtre au vu de son réalisme et que les deux genres ne s’accordent vraiment pas à première vue. Et pourtant, malgré l’idée qui peut paraître absurde, ce film crée un parallèle entre ces deux univers qui finissent par se rejoindre comme il faut :


[spoiler]d’un côté nous avons Ofelia qui découvre qu’elle est une princesse d’un royaume souterrain et doit accomplir trois épreuves afin de pouvoir rentrer dans son vrai monde et de l’autre le capitaine Vidal, Mercedes, Pedro et le docteur Ferreiro Rocher (Ah, Ah, Ah...) qui sont acteurs de la guerre civile entre franquistes et maquisards. Pendant les deux premiers actes du film, les évènements se déroulent chacun de leur côté en prenant une tournure de plus en plus dramatique au fur et à mesure que le récit avance jusqu’à ce que finalement Ofelia se retrouve, malgré elle, confronté à la folie et à la cruauté de l’homme incarné par le capitaine Vidal qui la rattrape après qu’elle ait échoué à la seconde épreuve.[/spoiler]


De ce fait et pour en venir au final du film, on peut traduire les épreuves que suivent Ofelia et sa passion pour les contes de fées de deux manières dans ce film :


[spoiler]la première, elle donne elle-même vie à un fantasme pour fuir une réalité trop dure à supporter et qu’elle ne veut accepter. Cela peut s’expliquer par le fait que sa mère n’entend pas la mandragore hurler dans la cheminée lorsqu’elle subit sa deuxième couche ou encore par le fait que le capitaine Vidal ne voit pas le faune quand il la pourchasse dans le labyrinthe et la retrouve au centre en train de parler toute seule dans le vide (selon ce qu’il voit) sans oublier qu’elle semble être la seule personne à voir l’insecte étrange en début de film. On y note alors une dénonciation de la préservation de l’enfance et de nos rêves de féérie et de fantaisie contre un monde adulte dans lequel on ne peut trouver le bonheur car tout ce qui est présenté est noirceur et brutalité.


Mais pour ma part, tout comme Guillermo Del Toro l’a fait savoir dans une interview, je penche pour la seconde interprétation, à savoir : le fait que ce monde féérique existe et qu’Ofelia a pu retourner chez elle. Car le principe de base du cinéma c’est de raconter une histoire et de nous y faire croire, et là il y a largement de quoi croire en l’aventure d’Ofelia. Le fait que Vidal ne voit pas le faune peut s’expliquer qu’il n’est pas destiné à prendre connaissance de ce monde ou qu’il a tout simplement perdu son âme d’enfance, quant à la mère d’Ofelia il est acceptable de croire qu’elle était trop occupée à sa douleur lors de sa couche pour prêter attention à la mandragore. De plus, quand je vois Ofelia dans le repère de l’homme pâle ou face au faune, appréciant les contes, je ne peux pas me dire intérieurement que ce monde souterrain qui nous est présenté en début de film n’existe pas. Je veux y croire, comme n’importe qui aime croire en l’imaginaire.[/spoiler]


Par ailleurs la meilleure scène du film, selon moi,


[spoiler]c’est la berceuse que Mercedes chantonne à Ofelia lors de ses derniers instants avant qu’elle ne meure ou rejoigne l’autre monde (à vous de l’interpréter). Déjà parce que, pour ma part, je me suis pris d’affection pour les personnages d’Ofelia ainsi que Mercedes, mais surtout parce que j’ai eu envie de m’identifier à Ofelia (et vouloir s’identifier à un personnage, c’est pas rien) et de vivre l’aventure à sa place… BON OKAY, dites que j’en fais trop, dites aussi que j’exagère mon attachement à ce film et ses qualités et que je cherche trop loin si ça vous chante, mais si vous ne l’avez pas vu, vous ne pouvez pas le juger et pour ma part cette scène fait parti de ceux qui m’ont fait verser le plus de larme devant un film, tant la beauté et la tristesse de ce passage m’ont marqué, et je suis sur de ne pas les oublier de si tôt.[/spoiler]


Donc, voilà, je pense qu’avec tout ça, je vous ais fais ma déclaration d’amour (si l’on peut dire comme ça) au "Labyrinthe de Pan" qui je considère comme un véritable chef d’œuvre et une grosse bouffée d’émotion personnelle. Envoûtant, tragique et violent tout en apportant sa féérie, ce voyage m’a marqué et mérite à mes yeux sa deuxième place dans mes films préférés. Désormais monsieur Del Toro, je vous suis de prêt, alors épatez moi encore si vous le pouvez, je serais patient pour "Crimson Peak" jusque là en voyant vos "Hellboys" et "L’échine du Diable". Si vous n’avez pas encore vu "Le Labyrinthe de Pan", je ne peux que vous conseiller de le voir (mais ne le faites pas voir à vos enfants si vous en avez par contre).

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10
6

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