John Landis est, à n'en pas douter, un cinéaste extrêmement satirique et provocateur mais également un amoureux du média cinématographique. A la manière d'un cinéaste comme Joe Dante (Gremlins, Panic sur Florida Beach, Hurlements,...), il exprime sa cinéphilie à travers ses oeuvres ; nous offrant ainsi une filmographie remplie de passion ce qui directement crée un lien avec le spectateur. Peut-être ne connaissez-vous pas cet immense cinéaste qui si aujourd'hui est un peu oublié (en raison d'un vide de carrière depuis une dizaine d'années), aura su marquer le cinéma de son empreinte notamment durant les années 1980.


Il réalise son premier long-métrage en 1973 : Schlock, l'histoire d'un gorille préhistorique semant la panique dans une petite ville de Californie (c'est d'ailleurs Landis lui-même qui portera le costume). C'est durant la production de celui-ci que le réalisateur voit naître en lui son premier désir de mettre en scène un film de monstre. Au fur et à mesure de l'écriture, la créature est tout d'abord un zombie, puis un vampire et enfin un loup-garou. Si le script n'est pas terminé, Landis sait une chose : il veut mettre au point une transformation physique totale d'un être humain en bête féroce totalement visible à l'écran. Si à l'époque le cinéaste n'a pas gagné encore la sympathie des studios, c'est avec son film le plus célèbre The Blues Brothers que les producteurs lui octroieront le budget nécessaire à la fabrication de Le Loup-garou de Londres (ou An American Werewolf in London en VO). Landis est en contact depuis plusieurs années avec le légendaire maquilleur Rick Baker (qui a l'époque a déjà à son actif La Nuit des Vers Géants ou la scène de la cantina de Star Wars) pour s'occuper des effets spéciaux et notamment de la fameuse transformation en lycanthrope. Le réalisateur apprenant que son film va enfin pouvoir se faire téléphone donc à Baker, ce dernier lui annonce qu'il est finalement parti pour travailler sur Hurlements (le film de loup-garou de Joe Dante). C'est après un flot d'insultes de la part de Landis que le maquilleur va finalement accepter le travail en laissant le film de Dante à son assistant, et non des moindres, Rob Bottin (The Thing, Fog, L'aventure intérieure,...). La production peut donc enfin commencer pour une sortie en 1981.


Le Loup-Garou de Londres nous expose le récit suivant : deux jeunes Américains, David (David Naughton) et Jack (Griffin Dunne), s'égarent dans la lande anglais lors d'un voyage. Attaqués par une bête sauvage, Jack est tué et David blessé. Ce dernier se réveille dans un hopital londonien et ne sait alors pas qu'il est alors victime d'une terrible malédiction.
Très vite, Landis nous expose sa cinéphilie en citant des oeuvres comme 2001, L'Odyssée de l'Espace ou simplement les anciens films de loup-garou (The Wolfman, La Nuit du loup-garou,...). Il nous crée des personnages attachants que nous serons vite désireux de connaître jusqu'au bout du long-métrage. Nous serons très vite amenés à nous retrouver derrière les yeux de David, plongeant peu à peu dans sa psychose et sa folie. A travers des séquences de cauchemars brillantes, le cinéaste nous immerge dans la transformation psychologique. J'en prends pour exemple la scène où le personnage se voit lui-même chassant une biche ou imaginant des soldats à l'apparence monstrueuse venant assassiner sa famille (ce qui pour beaucoup rappelle le fait que Landis est juif et donc que son protagoniste l'est également, offrant une certaine dimension politique au métrage par moments). Notre réalité s'en retrouve vite troublée, c'est là que le réalisateur expose un concept assez original pour un film parlant de lycanthropie : les personnes tuées par la bête sont condamnées à errer sous forme de mort-vivant dans les limbes ne trouvant jamais le repos tant que le dernier loup-garou n'est pas tué. C'est ainsi que David sera vite perturbé par le retour de son ami Jack sous forme de cadavre l'encourageant au suicide.
Ces séquences oscillent entre le comique et le terrifiant, Landis crée un nouveau genre : La Comédie horrifique. Le long-métrage se veut comme une oeuvre appartenant à la fois au genre de l'horreur mais aussi à celui de la comédie. Cela peut sembler classique aujourd'hui mais à l'époque il n'en était rien. C'est ainsi que le film de Landis lança par la suite des films tels que Bad Taste, Evil Dead 2 ou Le Retour des Morts-Vivants. Le Loup-garou de Londres regorge de singularités qui en font sa force et qu'il serait dommage de vous dévoiler avant son visionnage dans lequel je vous invite grandement à vous lancer de toute urgence.


Concernant l'argument de vente principal, à savoir la scène de transformation, le film nous offre une scène d'anthologie et facilement la meilleure scène du genre de l'Histoire du Cinéma. La séquence prit cinq journées de 18 heures de travail (ce qui fut une torture pour l'acteur David Naughton) en pleine lumière ce qui est un immense défi pour le maquilleur Rick Baker et l'équipe du film dans son ensemble. Il est difficile d'en parler sans image aussi je vous invite encore une fois à découvrir cette oeuvre qui chamboulera tout ce que vous connaissez du domaine filmique de la lycanthropie et du monde des "practical effects". Chaque plan nous montrera face caméra comment nos membres mutent pour se transformer en bête féroce avec une créativité, une originalité et un savoir-faire jamais vu à l'époque. Il s'agit de la séquence la plus impressionnante du film qui impressionna absolument tout le monde à l'époque. Cette transformation montrera le corps humain comme jamais nous ne l'aurons vu et il est à mon sens évident qu'elle influencera le cinéaste David Cronenberg pour travailler sa vision du "body horror" dans des oeuvres telles que La Mouche.


Le film connu beaucoup de problèmes de productions en tout genre, John Landis sera d'ailleurs fréquemment recadré par la production et la censure. Pour anecdote, le réalisateur montra d'abord un premier montage à ces mêmes producteurs, ceux-ci détestèrent et lui demandèrent de tout remonter. Landis, en bon provocateur qu'il est, leur montrera alors quelque temps plus tard l'exacte même version et ils adorèrent. Le film connut beaucoup de problèmes à cause de la violence montrée à l'écran et il ne marchera pas très bien au début de son exploitation en salle (le bouche-à-oreille fit cependant effet et il finira par bien fonctionner économiquement parlant). Mais cela n'empêcha pas au métrage de devenir rapidement culte et de surpasser qualitativement ses deux concurrents la même année : Hurlements de Joe Dante et Wolfen de Michael Wadleigh. Peut-être le savez-vous déjà mais un certain Mickael Jackson en visionnant le film fut sidéré par la séquence de transformation en lycanthrope. Il s'empressa alors de recruter Landis pour réaliser son clip Thriller et Rick Baker pour s'occuper des effets spéciaux et maquillages (c'est d'ailleurs pour cela qu'un loup-garou est présent au début du clip). Le film créa par la suite la catégorie "Meilleurs Maquillages" aux Oscars en remportant la première statuette en 1982 pour Baker, preuve de son importance dans l'industrie cinématographique.


Le Loup-Garou de Londres est une oeuvre fondamentale dans l'Histoire du Cinéma qu'il est nécessaire d'avoir visionné au moins une fois au cours de sa vie. Le réalisateur John Landis mit sur pied une fusion des genres comme jamais vue auparavant, offrant ce qu'il estime encore aujourd'hui comme son meilleur film. Les décors tapent juste ainsi que les musiques et effets sonores (mention spéciale au hurlement de la bête, ultra original et glaçant le sang). Les effets spéciaux, création de Rick Baker, sont parmi les plus grandes réussites de l'Histoire dans le domaine cinématographique, et ce même mettant à part la séquence de transformation. Il s'agit de l'une des pierres angulaires du cinéma d'horreur et du cinéma dans son ensemble. A mon sens il est le meilleur film portant sur la lycanthropie jamais réalisé. Il serait bon de vous conseiller des oeuvres comme le premier Hurlements ou encore La Compagnie des Loups mais aucune ne vous mettra une claque cinématographique comme le fera Le Loup-Garou de Londres qui reste un chef d'oeuvre à mes yeux.

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le 29 mars 2020

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