... where life’s going to take you."
Impossible de ne pas être froissé par les quelques maladresses que le scénario de Stowaway nous lègue sur son passage. Et ça commence très fort : dans le décor d'un vaisseau spatial envoyé en direction de Mars à une époque postérieure indéterminée, l'équipage constitué de trois personnes découvre un passager clandestin coincé dans l'équivalent du faux plafond... D'entrée de jeu Joe Penna (réalisateur et co-scénariste) joue avec le feu et nous impose cette vision grotesque d'un contexte hyper-technologique au sein duquel se glisse une énormité pareille, et ce dès les premières minutes. C'est gonflé. D'autant plus que ce ne sera pas la seule grossièreté d'écriture — au hasard, on balance une corde dans l'espace qui tombe comme du haut d'une cascade de glace, on nous rabâche que des gros cerveaux des équipes sur Terre planchent d'arrache-pied sur un problème crucial d'oxygène insuffisant et finalement ce sera l'équipage qui réalisera un peu comme le nez au milieu de la figure qu'un stock est disponible à l'autre bout (extérieur) du vaisseau... C'est tellement gros qu'on n'y fait presque plus attention.
Et pourtant. Et pourtant, il y a quelque chose qui fonctionne très bien dans ce survival de science-fiction minimaliste — en termes de SF c'est d'ailleurs presque exclusivement dans ce genre de petites productions que je trouve mon bonheur depuis de nombreuses années (spontanément je pense à Prospect de Zeek Earl et Christopher Caldwell), de temps en temps un bon film émerge de l'océan fangeux. C'est tout con : trois personnages plus un invité surprise (le spoil vient du titre français), un long voyage vers Mars, des expériences scientifiques, et un dilemme moral pour envelopper le tout. Et ça suffit, ils sont quatre, trop nombreux pour arriver à destination sans suffoquer, trop loin de la Terre pour envisager un demi-tour. Toni Collette est la commandante en charge de la mission, Anna Kendrick la médecin, Daniel Dae Kim (le Jin-Soo Kwon de Lost !) le biologiste, et Shamier Anderson l'ingénieur passager clandestin éponyme malgré lui.
Avec un budget certes 10 fois moins important que celui de Gravity, Le Passager n°4 n'atteint pas le même niveau d'effets spéciaux et d'immersion dans l'espace mais tient le ridicule à très bonne distance. Les contraintes budgétaires et leurs conséquences positives en matière d'épure... Dans un écrin beaucoup moins tape-à-l'œil, il parvient à construire une intensité assez surprenante, d'une part dans la dimension du dilemme conditionnant la survie de l'équipage, et d'autre part dans son ambiance de l'espace avec sa mission à l'extérieur du vaisseau. La lente désintégration d'un personnage sous l'effet des radiations extrêmes provoquées par une éruption solaire constitue le climax poétique et émouvant du film, et même si ce sacrifice s'inscrit dans une dynamique narrative assez didactique (le personnage de Kendrick concentrant toute la vertu morale), il n'en reste pas moins poignant à partir du moment où l'on adhère aux enjeux de la seconde partie.
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