"Le père tranquille" fait partie de toute une série de films tournés dans la période succédant à la Libération. Ce fut une période très troublée de règlements de compte et de justice expéditive qui pouvait basculer en guerre civile. Il devint indispensable et vital pour le nouveau pouvoir politique en place (gaulliste) de réconcilier les français. René Clément a réalisé deux contributions à ce devoir "sacré" cette même année 1946 avec "la bataille du rail" et ce "Père tranquille".

Il ne faut donc pas juger ce film avec nos yeux actuels et notre niveau de connaissance de 2025. Il faut au contraire s'imaginer spectateur, ivre de cette liberté recouvrée, au sortir d'une Occupation éprouvante et humiliante, et "découvrir" d'une part que tous les français n'ont pas été forcément des moutons qu'on a tondus pendant 4 ans impunément et d'autre part, que les (vraies) actions de résistance ne pouvaient qu'être secrètes compte-tenu des risques. De là à imaginer, en sortant du cinoche, que beaucoup de monde en a un peu croqué des actions de Résistance, il n'y a plus qu'un pas qui pourra être très vite franchi.

D'ailleurs, le film a beau jeu d'opposer un vrai résistant que personne, y compris sa famille, ne soupçonne (Noël Noël) à un faux résistant mais vrai traitre qui recrute, presque, à visage découvert dans un bistrot (Marcel Dieudonné).

En plus, le vrai résistant quasi insoupçonnable s'appelle Martin, du nom le plus courant en France (vérifié sur Wiki que c'est toujours le cas)

Au-delà de ces très hautes considérations, ramenons-nous au film qui est assez plaisant à regarder. D'abord parce que c'est une comédie avec un bon second degré. Par exemple, la scène où la mère de famille vient s'installer dans le bureau de Noël Noël pour avoir chaud alors que son mari, agacé par ce sans-gêne, est en train de parler "affaires" avec ses adjoints.

Et puis, il y a de belles scènes avec une gentille émotion (attention, on regarde le film avec nos yeux de 1946) où la fille devine son père et en devient super fière, sans oublier le fils, bien entendu etc etc

Ah si ! un plan cinématographique m'a bien plu ; celui, jubilatoire mais excellent, où Paul Franqueur, vrai résistant, l'air bonasse et limite con, ventre proéminent en avant, s'approche du groupe mené par le faux résistant pour y être intégré.

La note ? C'est celle que je m'imagine mettre en 1946, à la surprise du premier visionnage du film, soit 8. Avec le sourire de 2025 en plus.


JeanG55
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le 3 juin 2025

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