Quelque part autour d’Angoulême sous l’occupation allemande, Edouard Martin, la soixantaine, est un assureur respecté du village. Toujours en activité, il gère son affaire avec entrain, toujours souriant, cultive des orchidées sur son temps libre avec passion, et joue à la belote au café tous les soirs avec ses amis. Insoupçonnable.


« Tu vas nous foutre un peu la paix avec tes confitures ! »
En s’immisçant sous le toit d’Edouard Martin, Le Père Tranquille, second long métrage de René Clément, raconte le quotidien humble d’un discret monsieur tout-le-monde sous l’occupation, et devient un film hommage à la gloire d’une résistance française joviale et heureuse, une résistance habilement cachée derrière les illusions de la banalité du quotidien, une résistance de chaque instant jusque dans les apparences. Edouard Martin protège sa famille en taisant son implication, à tel point que son fils craint qu’il ne soit favorable aux allemands, à tel point que son épouse ne se doute jamais de rien. Dans le même temps, sous leur nez parfois, il dirige le réseau de la région d’une main sûre, sans hésiter à faire ce qui est nécessaire pour protéger ses hommes et participer au combat.
René Clément imprime sa patte naturaliste au récit avec une atmosphère de normalité douce, des moments du quotidien gonflés de réel, une vie qui respire et se rythme au réel. Il emmène le spectateur grâce à une tension de surface, omniprésente mais toujours retenue, et enchante l’âme avec quelques séquences poignantes d’une humanité simple et sincère. C’est beau.


Tout le casting est au diapason de cette authenticité. Si clichés que certaines scènes puissent-elles paraitre, chacun des comédiens donne du souffle et du corps à son personnage, et l’ensemble de la distribution semble porté par la foi autant que par l’impeccable prestation de Noël-Noël – également scénariste – dans le rôle-titre.


Le Père Tranquille est un témoignage direct d’une résistance humaine et honnête, sans gloriole et sans effusion. Au sortir de la guerre, René Clément semble volontairement omettre les pires atrocités (les bombardements sont loin, les exécutions hors-champ), pour se concentrer sur l’essentiel : la simplicité des hommes qui s’engagèrent, héros très discrets d’une guerre silencieuse autant que périlleuse, obligés de taire leurs sentiments pour s’assurer de rester actif, efficace, jouant de fausse naïveté mais toujours sur leurs gardes.
Historiquement indispensable. Malgré les clichés, malgré l’absence de point de vue adverse, malgré les anecdotes événementielles. Historiquement indispensable parce que témoin d’une réalité palpable et porteur d’une humanité simple, apolitique, consciencieuse.


      Matthieu Marsan-Bacheré

Créée

le 24 nov. 2015

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