Voir le film

J'étais passé à côté du Procès Goldman en 2023, puis récemment, alors que je trainassais sur YouTube, j'ai lu des commentaires sous l'une des bandes-annonces. Des commentaires de droitardés plus exactement, le genre à avoir un drapeau français ou une image générée par IA (pour les plus modernes) en avatar et qui accusent la « gôche » d'être antisémite alors que leurs com's sont déjà bien gratinés à ce niveau-là. Bref, c'était tellement éclaté au sol que ça m'a donné envie de regarder le film.


Pourtant, je dois bien avouer que Le Procès Goldman commence plutôt mal. Je ne suis pas fan des cartons d'introduction en règle général, c'est une sorte d'aveu d'échec selon moi, encore moins quand ils pourraient être remplacés par les dialogues : c'est le cas ici. Mais justement, rien à dire sur les dialogues : si une bonne partie ont été repris du deuxième procès de 1979, d'autres, plus confidentielles, ont forcément été écrits pour le film, le réalisateur s'étant inspiré d'éléments présents dans des biographies ou dans le livre écrit par Pierre Goldman, Souvenirs obscurs d'un juif polonais né en France, rédigé alors qu'il était derrière les barreaux. Cela lui a fait dire que « c'est de la fiction, mais avec beaucoup de vrai ». Tant mieux. Tant mieux, car, outre l'impossibilité de reconstituer un procès tel quel, l'échec qu'aurait probablement été le film si ç'avait été l'ambition du réalisateur, c'est uniquement en prenant des libertés, en les assumant, qu'un véritable film pouvait éclore.

La plus grande force du Procès Goldman selon moi, c'est de faire un film qui fait très années 70 d'une part, tout en faisant de nombreux liens avec notre époque d'autre part. L'image 4:3, qui renvoie forcément à des images d'archives (en plus d'enfermer les personnages dans le cadre), associé à cette palette de couleurs et à du grain, nous donnerait presque l'impression d'être devant film vieux de 50 ans qui aurait été restauré pour l'occasion. Pourtant, Le Procès Goldman a bel et bien été tourné en numérique. Idem au niveau de l'acting. Face aux scènes du tribunal d'Anatomie d'une chute, sorti la même année, en plus de ne pas illustrer les choses, force est de constater que le côté théâtral se fait davantage ressentir dans le film dont il est question dans cette critique, que le jeu des acteurs se rapprochent de ceux que l'on peut voir dans les films d'antan. Aussi, que ce soit dans un film comme dans l'autre, on vient nous rappeler qu'est impossible de faire justice dans certains cas (du moins comme on l'entend habituellement), Le Procès Goldman nous montre les nombreuses failles inhérentes au système : le fait de pouvoir se tromper, douter, être influencé, en tant que témoin, le mensonge par omission… lors d'un second procès qui se déroule six ans après les faits qui plus est.

Le parallèle entre la justice expéditive des réseaux sociaux d'aujourd'hui et le rôle de l'intelligentsia de la gauche de l'époque est évident : difficile de croire que le rôle de la presse, qui a pris fait et cause pour Pierre Goldman après son premier procès, n'a pas joué sur sa disculpation… encore plus quand on connaît le résultat de ce même premier procès et ce qui a poussé à la création du second. L'une des différences avec notre époque étant que la gauche d'il y a 50 ans se montrait plus véhémente, plus radicale, loin de ce que certaines flippettes qualifient aujourd'hui « d'extrême-gauche », alors qu'au mieux, elle parle un peu fort (un rappel ne fait jamais de mal : la France Insoumise est un Parti très gentillet). Le rôle et le positionnement de la police dans cette affaire, le racisme, des mots comme « insoumissions », les derniers mots de Goldman juste après la (magistrale) plaidoirie de son avocat à la fin : difficile de ne pas faire un rapprochement avec ce qui se passe aujourd'hui, le choix des mots n'est pas anodin.

En cela, c'est, disons, amusant, de lire certains commentaires et autres critiques affirmant que Le Procès Goldman serait un film partisan. Amusant, car la veuve de la personnalité assassinée en 1979, Christiane Succab-Goldman, est venue rappeler l'année de la sortie du film, qu'outre certaines omissions concernant la relation entre Pierre et son avocat, Georges Kiejmann, « tous les comptes rendus de l'époque attestent que Pierre est resté durant le procès très factuel, mesuré et concentré. » Sans oublier le fait que le personnage insiste à plusieurs reprises sur le fait qu'il n'est rien face à ses parents, qu'il ne leur arrive pas à la cheville. Aucun intérêt de relancer le débat autour de la culpabilité de Pierre Goldman ici, chacun s'est fait son propre avis à ce sujet, dans le pire des cas, la Justice a tranché… ou tout du moins, a rappelé que la charge de la preuve revient à l'accusation. Je noterai juste une certaine ironie quant au fait que la mort des deux pharmaciennes, tout comme celle de Pierre Goldman, est encore officiellement non élucidée à ce jour. Par contre, ce qui fait qu'on trouvera le Pierre Goldman du film charismatique, en mal comme en bien, c'est grâce à l'interprétation de l'excellent Arieh Worthalter. Je l'avais découvert il y a trois ans dans Douze mille de Nadège Trebal, film qui ne m'avait pas convaincu, mais j'avais déjà retenu sa prestation. C'est probablement grâce (à cause ?) de lui qu'on prendra parti pour le demi-frère du célèbre chanteur, grâce à cette force de conviction que l'on retrouvait déjà chez le Pierre Goldman original si j'en crois les témoignages de l'époque.


Comme quoi, parfois, les pires commentaires YouTube peuvent mener aux meilleurs films. Si vous croisez un avatar drapeau tricolore gueulant à la propagande gauchiste, suivez le conseil à l’envers : allez voir ce que ça cache, et inversement… Ah tient ! Toutes pour une se tape des commentaires encore plus violents… ça doit être un sacré film, hâte de voir ça !

Créée

le 16 juil. 2025

Critique lue 10 fois

1 j'aime

MacCAM

Écrit par

Critique lue 10 fois

1

D'autres avis sur Le Procès Goldman

Le Procès Goldman
Moizi
8

Âpre et radical

Je n'ai vu aucun film de Cédric Kahn avant celui-ci et je dois dire que j'ai été surpris par la radicalité du film. On a un film en huis clos (enfin à part la scène d'ouverture qui sert vraiment à...

le 3 oct. 2023

68 j'aime

7

Le Procès Goldman
Plume231
7

Un homme en colère !

Si on excepte la séquence d'introduction (dans le bureau de l'avocat de la défense, Georges Kiejman, faisant tout de suite comprendre que son client est un drôle d'animal qui ne va pas du tout lui...

le 27 sept. 2023

29 j'aime

24

Le Procès Goldman
cinemusic
10

Il changeait l'avis....

En 1976 a lieu le second procès de Pierre Goldman , militant d'extrême gauche soupçonné d'avoir tué deux pharmaciennes lors d'un braquage qui aurait mal tourné. L'affaire fait grand bruit et mobilise...

le 27 sept. 2023

29 j'aime

14

Du même critique

La Conjugaison pour tous
MacCAM
1

Critique de La Conjugaison pour tous par MacCAM

livre qui serre a rien car je métrise déja bien la lange de moliaire, je le conseille néant moin a ceu qui on dé probléme pour ét crire.

le 22 mai 2013

20 j'aime

10

Peaky Blinders
MacCAM
2

Vous n'avez pas honte ?

Cette critique porte sur les trois premières saisons et partiellement sur la quatrième (vu en avance très rapide et en moins d'une demi-heure). Je déteste cette série ! Mais à un point où je crois...

le 22 mars 2020

15 j'aime

6

Batman: Arkham City
MacCAM
7

Critique de Batman: Arkham City par MacCAM

Clairement moins bon que Arkham Asylum, tu auras beau foutre un environnement ouvert dans ton jeu, si c'est pour se taper 25 mille allers-retours ça n'a strictement aucun intérêt. Pareil pour les...

le 28 janv. 2014

15 j'aime