Cela faisait neuf ans que la Toho avait remisé Godzilla au placard. Mais lorsque l’heure des 30 ans de la licence a sonné, le studio a décidé d’offrir un nouveau film à son lézard géant et en s’en donnant les moyens. Bien plus long que les autres films de la franchise, ce nouvel épisode voit également son budget être mis au niveau des autres productions des années 80. Godzilla allait signer son grand retour et être de nouveau au centre de l’attention en étant le seul monstre du film, et donc à nouveau un méchant. Pour l’occasion, le studio a décidé de relancer la franchise sur de bons rails avec cet épisode anniversaire, puisqu’il s’agit d’un retcon. Un retcon (retroactive continuity) est un film qui fait suite à un épisode plus ancien, en faisant comme si tous les autres qui ont suivi n’avaient jamais existé. Ainsi, ce Retour de Godzilla se déroule après le tout premier Godzilla de 1954, et vient purement et simplement remplacer le film du même nom réalisé en 1955, en faisant comme si les 14 autres films de la licence n’avaient jamais eu lieu.
Ici, Godzilla est encore un méchant, il n’a jamais rencontré King Kong, Mothra ou King Ghidorah. Cela fait 30 ans que personne n’a entendu parler de lui lorsqu’un bateau de pêche est attaqué par une mystérieuse créature. Le gouvernement japonais décide alors de dissimuler l’affaire pour éviter une panique parmi la population. Mais lorsque Godzilla s’en prend à un sous-marin russe, les États-Unis et la Russie demandent des explications au Japon.
C’est un retour au grand thème du nucléaire et à une ambiance bien plus sombre. Godzilla marche à nouveau au ralenti pour nous démontrer sa masse, il n’est plus anthropomorphe, bref, c’est un retour aux sources bienvenu ! Et pourtant, avant d’en arriver là, la Toho a d’abord travaillé sur d’autres idées bien plus folles. L’une d’elles était que Godzilla combatte le diable en personne, afin d’essayer de se faire de l’argent sur le succès du film L’Exorciste. On a donc échappé de peu à un nouveau carnage. C’est le réalisateur Koji Hashimoto qui arrive avec cette idée de situer le film durant la guerre froide, pour que le nucléaire soit au centre de l’histoire, mais c’est surtout lui qui insiste pour que son film soit une suite du tout premier Godzilla. Il était clair pour lui qu’il fallait que le public oublie toute l’ère Showa. Et aussi incroyable que cela paraisse, le studio Toho a aimé son idée.
L’histoire des personnages humains est l’un des éléments forts de ce film, car en faisant de Godzilla une menace, ils sont à nouveau au centre de l’histoire. Lorsque Godzilla refait surface, les deux camps qui s’affrontent durant la guerre froide, la Russie et les États-Unis, tournent leur attention vers le Japon. Les deux camps ennemis tombent alors d’accord pour une fois et veulent utiliser l’arme nucléaire contre Godzilla, ce que le premier ministre japonais refuse, rappelant les principes anti-nucléaire du Japon. Sans l’accord du Japon, la Russie et les États-Unis placent tout de même des satellites armés de têtes nucléaires au-dessus du Japon, et vous vous doutez que ça va mal tourner. Le film pose une véritable tension politique en plus de celle du nucléaire.
Les effets spéciaux sont dirigés par Teruyoshi Nakano et sont absolument superbes (en se remettant dans le contexte des années 80). L’attaque de nuit de Godzilla à Tokyo est l’une des plus belles séquences d’un film de kaiju. Le nouveau design de Godzilla est également l’un des meilleurs. En plus d’un acteur en costume, le film utilise pour la toute première fois un animatronique pour les gros plans. Il est à noter que la taille de Godzilla a été revue à la hausse : de 50 mètres de hauteur durant l’ère Showa, il fait désormais 80 mètres.
Le retour de Godzilla version 1984 représente ce que la Toho sait faire de mieux. Et quasiment quarante ans après sa sortie, il a très bien vieilli. Le parfait démarrage pour une nouvelle ère, en espérant que la Toho ne se tire pas à nouveau une balle dans le pied par la suite.