A la fin de la projection de Le secret de la chambre noire, le spectateur peu séduit se posera immanquablement la question : et si, avec la même trame, le film avait été tourné au Japon, le résultat aurait-il été meilleur ? Réponse immédiate : très certainement, l'univers fantasmagorique de Kiyoshi Kurosawa se mariant davantage avec les brumes nippones et les cerisiers en fleurs qu'avec une grande bâtisse bourgeoise en périphérie parisienne et le RER comme mode de transport. Le point de vue est occidental évidemment pour qui les fantômes japonais ont quand même plus d'allure que leurs collègues européens. Le secret de la chambre noire est terriblement lent pendant sa première heure et son glissement progressif vers le fantastique, s'il donne un peu de rythme au film, en accentue finalement les limites d'un scénario prévisible par la suite et qui n'est pas loin de sombrer dans une veine grotesque que l'on pensait étrangère au cinéma de Kurosawa (à moins qu'on ait placé le réalisateur un peu trop haut, hypothèse qui rend corps si l'on considère son avant-dernier film, Creepy, encore inédit dans nos salles et très décevant). Le seul suspense du film est immobilier, ce dont on n'a cure tandis que l'intrigue bascule vers des rivages que n'importe quel cinéphile, surtout amateur de fantastique, a déjà vu et revu. Ce qui n'arrange pas l'affaire est la fadeur des dialogues et une interprétation à plusieurs vitesses comme si les acteurs n'étaient pas dans le même film : c'est dans doute voulu mais cela rend le métrage bien faible et inopérant en matière d'émotion. Tahar Rahim hérite hélas d'un rôle qui n'est pas fait pour lui et le caractère de son personnage est totalement incohérent. Olivier Gourmet, en vieux routier, assure ses arrières mais on l'a vu bien meilleur auparavant. Seule Constance Rousseau, avec son physique diaphane et intemporel, impressionne par sa délicatesse et son évanescence. Au point qu'elle pourrait sans problème jouer dans le remake du film en japonais. Maigre consolation tout de même pour un film que la greffe d'un pays à un autre n'est pas chose si facile. Verhoeven avec Elle et Farhadi avec Le passé ont pourtant prouvé qu'ils pouvaient être crédibles et même davantage sans renier leur univers mais en l'adaptant avec justesse aux contingences d'une ambiance française. Pour Kurosawa, ce n'est vraiment pas le cas.

Cinephile-doux
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le 8 mars 2017

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