Maintenant que les bases et les origines de la dystopie de La Planète des Singes sont bien établies, qu’y apporter de nouveau dans un second film ? À moins que ce ne soit une manière d’enfoncer le clou.
Fondamentalement ce n’est pas du tout une mauvaise intention, d’autant plus quand elle fonctionne. Ainsi certains aspects un peu survolés dans le premier film de Schaffner prennent ici plus d’ampleur, notamment la question religieuse. On ressent là un film fondamentalement athée dans son traitement des divinités ; par égard à l’existence d’un dieu des hommes d’avant la suprématie simiesque, la divinité de ceux-ci apparaissait déjà dérisoire, mais Ted Post renforce cet aspect en faisant saigner le fameux Législateur (même s’il ne s’agit que de visions, elles caractérisent une crainte presque caricaturale du côté des singes, par leur artificialité à mettre en regard d’un dieu qu’eux-mêmes n’ont jamais vraiment vu) et en lui opposant une divinité humaine prenant les traits d’une bombe éradicatrice, bien réelle celle-ci, et dont les effets ne sont pas (et plus) à prouver dès lors qu’elle est enclenchée. Du côté des humains la vision est plus nuancée puisque, auparavant du simple reliquat primitif de sa grandeur passée, le film lui attribue un pendant inverse, un être supérieur autant physiquement de mentalement : des mutants télépathes (supposément) pacifiques. Même si sur le plan vestimentaire ceux-ci ressemblent à des extraterrestres de nanars des années 1950, leur existence prouve la possibilité de la continuité du darwinisme quand la nature reprend ses droits. Ce qui ne les exempt pas pour autant d’un cynisme que l’on ne prendrait pas pour un stade de l’évolution : se déresponsabilisant des mises à mort qu’ils provoquent, ils se font public voyeur d’un spectacle digne de la plus infâme des téléréalités.
D’un côté la société secrète des hommes, de l’autre le prosélytisme des singes, aucun des deux partis ne se voit réellement avantagé par rapport à l’autre. Un prosélytisme d’autant plus présent dans ce volet, alors que les gorilles détruisent les idoles des hommes ou s’apprêtent à massacrer des chimpanzés manifestants, et que la guerre devient la solution à des problèmes bien définis, même si assez vagues. La science est ici mise de côté, pour ne pas dire presque éclipsée, au détriment de l’armée, une grande déferlante de pilosité noire envahissant peu à peu l’écran au fur et à mesure de sa progression vers le refuge des hommes jusqu’à l’écran intégralement sombre en clôture du film, preuve de son inéluctabilité autant que de son inefficacité.
On ne manque pas cependant de constater que cette suite souffre des défauts de ses qualités. Le métrage veut aller vite, mais manque de dynamisme, on le ressent particulièrement lors la vision collective de l’armée simiesque, rythmée par les effets visuels pas franchement très beaux et amenée à nous trop rapidement. Le problème est surtout rythmique, mais aussi esthétique et parfois même narratif, le scénario offrant quelques incohérences marquantes (pourquoi laisse-t-on Zira s’approcher de la cage dans laquelle on emmène Brent et Nova et en prendre la clé et pourquoi les emmène-t-on alors qu’on s’apprête à les utiliser comme cibles et que l’on se trouve au sein du camp militaire, entre autres). La station de métro enfouie était une bonne idée, jusqu’à ce qu’elle débouche sur une ville souterraine d’un tel kitsch. Ce que l’on peut reprocher au film est surtout, finalement, de ne pas offrir une mise en scène assez consistante pour faire de ce film un nanar, comme les effets spéciaux et les costumes (humains) auraient pu le laisser supposer. Le résultat en pâtit : le film est grotesque et involontairement pince-sans-rire. Les qualités précitées en perdent presque de leur sérieux.