Laissez-moi vous parler d'une scène de Super 8, de J.J. Abrams. Ne vous inquiétez pas, vous allez comprendre le rapport. Avant d'être embarqués dans une aventure extra-terrestre, les jeunes héros de Super 8 tournent leur propre film. Durant le générique on voit des extraits du résultat, et il y a notamment un passage dans lequel deux gamins jouant des militaires sortent une réplique du genre "si on n'avait pas fait le Vietnam ensemble"... reprenant ainsi un trope assez répandu du cinéma des années 70. La scène est drôle et mignonne, parce que la réplique sort de nul part. Elle est juste là parce que les enfants on intégré ce cliché sans vraiment le comprendre. Mais pour eux, un thriller doit avoir une réplique de ce genre.
La Guerre des Rohirrim me donne l'impression d'avoir été écrit par la même bande de gamin, sauf qu'au lieu du film policier ils se sont lancés dans l'heroic fantasy. On sent bien que les scénaristes ont vu des films dans le genre, ou lu des romans. Ils ont l'air d'avoir compris qu'il y a des codes à suivre pour raconter des histoires épiques, et que souvent elles suivent des trames assez similaires. Sauf que voilà, arrivés face à la feuille blanche ils ont confondu clichés et passages obligés, et se sont retrouvés avec une espèce de patchwork sans structure.
Ainsi, l'histoire du renégat qui vient se venger et causer la perte d'un roi trop arrogant est certes archi-rebattue, mais elle peut fournir une bonne base. Sauf que si dans le même temps ledit roi est surpuissant et son armée enchaîne les coups critiques, on a un peu de mal à sentir la détresse des Rohirrims, et surtout à craindre le méchant.
Et c'est comme ça pour toutes les scènes. Le cliché du chef des ennemis qui pourrait se faire tuer d'une flèche, mais personne ne tire parce que... noblesse ? Le cliché du personnage qui dit "j'ai un plan", mais tout ce qu'il fait c'est foncer dans le tas. Le cliché de la vieille qui évoque une prophétie, ou une malédiction, ou son horoscope mais on n'en parle plus jamais. Pour la grande histoire épique qui prolonge la saga de l'anneau, on repassera.
Il reste quand même ce plaisir régressif qui surgit ça et là, quand les scénaristes troquent leur âme d'enfant pour la bêtise adolescente. Quoi de plus jouissif que ce roi viking qui détruit ses adversaires à mains nu, du simple chef de clan / pilier de bar au troll des montagnes en passant par l'intégralité des armées du Sud ? C'est toujours ça de pris !