Le Stratège par pierrick_D_

Dans les années 2000,le club de base-ball d'Oakland,en Californie,a une équipe de Ligue Majeure en principe très moyenne.A la suite d'une saison étonnante où elle obtient d'excellents résultats,ses trois meilleurs joueurs sont recrutés par des franchises plus importantes.Manquant de moyens financiers pour reconstruire une formation compétitive,le manager général Billy Beane décide sur un coup de tête de s'adjoindre les services d'un jeune économiste,Peter Brand, pour le conseiller dans son recrutement.Brand est un adepte convaincu de la méthode des sabermetrics,un mode de calcul créé par un certain Bill James,qui est destiné à évaluer les joueurs en se basant sur leurs statistiques.Le credo de Brand est que les vedettes de ce sport sont nettement trop payées par rapport à leur rendement réel sur le terrain,et qu'on peut bâtir une bonne équipe en engageant des joueurs sous-évalués pour diverses raisons et qui ne coûtent pas cher.Ainsi Beane,convaincu par son adjoint,se met à recruter à la surprise générale une tapée de laissés pour compte à cause de blessures graves,d'âge avancé,de physique disgracieux ou de réputation de noceurs ingérables.Et contre toute attente,cette stratégie va fonctionner.Il s'agit là d'une histoire vraie,adaptée d'un livre de Michael Lewis.Le réalisateur Bennett Miller semble passionné par les coulisses du sport car il fera trois ans plus tard "Foxcatcher",qui se déroule dans le milieu de la lutte.Le scénario a été confié à deux pointures,Aaron Sorkin et Steven Zaillian,tandis que l'acteur principal du film,Brad Pitt,est aussi producteur."Le stratège" est une saisissante plongée dans les arcanes du sport professionnel,et en décortique les mécanismes.Par exemple,le statut de la star est mis à mal,mais au-delà de l'efficacité sur le terrain,le fait d'embaucher un grand nom entraîne bien des avantages,car la star fait vendre.Des places au stade,des droits audiovisuels,des produits dérivés,le joueur connu est une pub géante à lui tout seul,sans parler de qualités sportives tout de même pas négligeables,car on n'atteint pas le haut niveau par hasard.En fait,le système des statistiques est parfait pour un club modeste comme Oakland,car il lui permet d'aligner à moindres frais une équipe valeureuse.Mais les résultats,certes stupéfiants compte-tenu du budget disponible et de la cote des joueurs,resteront cependant inférieurs à ceux des grosses franchises.Le film explore par ailleurs les moeurs plutôt rudes d'un sport business impitoyable dont la finalité est le tiroir-caisse et où le facteur humain n'existe pas.Beane lui-même se conduit comme un salaud,prêt à toutes les magouilles pour réussir.Il n'hésite pas à virer brutalement des collaborateurs ou des joueurs,achetant ou vendant ceux-ci comme de vulgaires objets,en fonction de ses intérêts.Mais il a cependant sa part d'humanité,et son adhésion aux thèses de Brand doit sans doute beaucoup à son passé de joueur.S'il accepte avec une telle détermination de remettre en selle des has been,c'est probablement parce qu'il a été un espoir déchu du base-ball.A cet égard,la scène émouvante lors de laquelle il vient chez Hatteberg pour lui proposer un contrat est révélatrice.Cinématographiquement,le film cafouille un peu.Il y a beaucoup de flashbacks et d'images d'archives pas toujours bien insérées dans l'histoire,et le rythme est souvent languissant,le scénario s'attardant volontiers sur la personnalité privée de Beane d'une manière fastidieuse.Ce qui donne de longues séquences peu captivantes où on le voit errer au volant de sa caisse,s'isoler dans des coins déserts,car,par superstition il n'assiste pas aux matches,ou s'occuper de sa gamine car c'est un père divorcé.Tout ceci est semble-t-il destiné à rentabiliser la tête d'affiche qu'est Brad Pitt,ce qui est paradoxal dans une oeuvre qui conteste le système du vedettariat.Et puis il y a le problème du base-ball,un de ces sports typiquement américains,dont les règles sont totalement incompréhensibles et qui ne présente aucun intérêt spectaculaire,à part Outre-Atlantique évidemment,où on raffole de ces lancers minables,de ces coups de battes dans le décor et de ces courses molles sans queue ni tête.Le casting est bien choisi et de qualité.Brad Pitt occupe avec autorité le devant de la scène,et Jonah Hill,en geek obèse et introverti,confirme qu'il n'est pas seulement doué pour le comique.Chris Pratt est excellent,infiniment meilleur que dans ses gros films fantastiques,et Philip Seymour Hofman est comme de coutume impeccable en entraîneur dubitatif.La jeune Kerris Dorsey est une révélation,à la fois comme actrice et comme chanteuse.