Dans Le Vent se lève, Miyazaki délaisse le merveilleux pour proposer une œuvre réaliste, traversée de poésie et de nostalgie. Ce récit lui permet de rendre hommage à l’aviation, qui le fascine depuis l’enfance. Il s’inspire du roman Le Vent se lève de Tatsuo Hori (1937), lui-même nourri d’un vers de Paul Valéry : « Le vent se lève, il faut tenter de vivre ». À ce matériau littéraire, il mêle la biographie de Jirō Horikoshi (1903-1982), ingénieur aéronautique à l’origine du chasseur Mitsubishi A6M « Zero », utilisé par l’armée japonaise durant la Seconde Guerre mondiale.
Miyazaki met en scène un personnage masculin, Jirō, enfant rêveur qui voulait voler. Sa myopie rendant ce rêve impossible, il se tourne vers la conception d’avions. Mais à travers ce destin, c’est surtout de lui-même que parle le réalisateur. Celui qui a émerveillé des générations avec ses univers foisonnants et ses récits empreints de fantaisie exprime ici les valeurs qui l’habitent et qu’il n’a cessé de transmettre : respect de la vie et de la nature, responsabilité éthique face au progrès technique, douceur et courage intérieurs, importance du rêve et de l’imagination, reconnaissance de la complexité humaine, refus du militarisme, primauté des liens d’amitié, d’amour et de fraternité. Quels que soient les récits, Miyazaki revient toujours à ces thèmes essentiels.
Œuvre annoncée comme son ultime film, Le Vent se lève a des accents de chant du cygne. Le cinéaste y reprend ses motifs de prédilection tout en exprimant sa douleur de voir la beauté détournée au service des pulsions destructrices de l’homme. Jirō est sans doute l’un de ses personnages les plus lumineux : il a su conserver, une fois adulte, la pureté de son cœur d’enfant. Rêveur inadapté, toujours « ailleurs », la tête dans les étoiles, il reste habité par une vocation intérieure. Sa passion et son génie pour l’aviation seront pourtant récupérés par la folie meurtrière du temps. Certains voient en lui un personnage égoïste ; Miyazaki suggère plutôt la force irrépressible d’une vocation qui consume et dépasse celui qui la porte.
Cette œuvre m’a profondément touchée par sa simplicité et par ce qu’elle dévoile, en creux, de Miyazaki lui-même.