Le Vent se lève
7.3
Le Vent se lève

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (2013)

Après être revenue sur l’Episode « au combien controversé » VII du space opera de Georges Lucas, ma plume retourne cette fois-ci au Japon d’entre-deux-guerres dépeint par Hayao Miyazaki dans le Vent se Lève.

Bien que l’idée de faire peau neuve de certaines productions de l’esprit ne soit pas déplaisante, ce retour n’est pas dénué d’une certaine frustration car, manifestement, la découverte du nouveau film du maître n’a pas suffit à capturer suffisamment de matière pour s’atteler à l’écriture d’un papier, ni à susciter l’envie de retourner dans les salles obscures pour en découdre.

Pour la faire courte, Le Garçon et le Héron, qui est sorti dix ans (presque jour pour jour si l’on se réfère aux dates de sorties en salles au pays du soleil levant) après son prédécesseur, aurait presque des allures de paradoxe. En effet, le film marque le grand retour au fantastique du bâtisseur du Château dans le Ciel, et foisonne, pour ce faire, d’idées mais l’imaginaire peine à servir le fond, jusqu’à alourdir l’ensemble, de par les (très nombreuses) questions qu’il suscite, et résonne dans nos psychés de manière un peu trop familière. A titre d’illustration, nous pouvons rappeler, non sans forcer le trait, que nous suivons un jeune héros tout juste endeuillé se laisser guidé (et malmené) par un Héron coquin, sorte de croisement entre l’Oiseau du Roi et l’Oiseau et le Pan du Labyrinthe de Pan, à travers des niveaux de profondeurs tout droit sortie d’Alice au Pays des Merveilles ou d’Inception, allez savoir…

Si l’on s’amusait au jeu des comparaisons, on pourrait rapprocher ce nouveau cru au plus grand succès de Miyazaki, le Voyage de Chihiro. Parler de retour en arrière pourrait s’avérer réducteur mais, en comparaison du Vent se Lève, cela n’est pas complètement hors de propos.

Véritable rupture dans la filmographie du papa de Totoro, le biopic romancé centré sur l’ingénieur-rêveur Jirō Horikoshi s’inscrivait pourtant complément dans le sillage, tracé depuis la vallée du vent jusqu’à la falaise de Ponyo, tant apprécié et c’est peut être en cela que réside la grande force de ce onzième film car s’il se voulait plus réaliste et plus personnel, il n’oubliait pas d’accorder une place de choix aux rêves et à l’évasion.

Par ailleurs, et sauf erreur, le japonais en profitait pour évoquer frontalement la retraite comme il ne l’avait jamais fait auparavant (et pourtant il lui tourne autour depuis 1997). S’il en fait de même dans son dernier film en date, on pourrait reprocher le fait que le Grand Oncle s’intègre assez mal (ou du moins, tardivement) à l’ensemble, à la différence de l’ingénieur italien Caproni qui porte la double-casquette « porte parole - interlocuteur » à l’égard du dessinateur. Cette autre figure de l’aéronautique tissait, soit dit en passant, un premier lien avec le merveilleux et nostalgique Porco Rosso, lequel devenait de moins en moins ténu au fur et à mesure que nous apprenions à connaître Jirō (les feuilles de calcul, les jets d’essence des prototypes ailés ou encore la Voie lactée des avions tombés au combat résonnaient comme des échos au film mettant en vedette le cochon volant de l’Adriatique).

Avec le Vent se Lève, Miyazaki nous propulsait de nouveau dans les nuages et il y revenait grandi car on y notait une approche plus assurée du couple. Pour ce faire, il s’était appuyé sur les écrits de de Tatsui Hori, à qui le film était également dédié. L’histoire d’amour de Jirō et de Naoko est même allé jusqu’à prendre le pas sur le reste durant le dernier acte : ce parti pris contribuait grandement à la maturité du film, l’éternel rêveur ayant toujours fait preuve d’une certaine pudeur à cet égard, laquelle se décèle de nouveau dans le Garçon et le Héron, soulignant l’effet de marche arrière ci-avant évoqué. On retrouverait presque cette même timidité dans la composition de Joe Hisaishi, qui se veut plus discrète qu’à l’accoutumé. Quelques notes plus stridentes viendront toutefois contrebalancer l’ensemble, donnant une sensation d’instabilité à l’écoute, couplée d’une certaine redondance. Cette dernière pouvait déjà se ressentir dans la partition écrite pour le Vent se Lève mais les thèmes qui la composaient étaient distillés avec sagacité et muaient en continue, au fil des variations, sur toute la durée du métrage.

Pour reprendre le fil après ce petit interlude musical, le faussement annoncé « ultime film du maître de l’animation » s’était donc révélé être une œuvre plus terre à terre (toujours avec la tête dans les nuages cela dit) que les précédentes, mais également un travail thérapeutique pour son auteur car ce dernier et Jirō, tel qui nous est présenté, se ressemblent beaucoup en ce que la guerre (pour ne pas dire « la bêtise humaine ») occupe une place primordiale dans le travail de ces deux hommes qui sont, pourtant, de profonds pacifistes aux esprits rêveurs. A titre d’illustration, si besoin en est, on ne peut qu’être amusé, au même titre que ses collègues, par la candeur du concepteur du chasseur-bombardier Zéro lorsqu’une arrête de maquereau lui inspire le dessin d’une aile ou lorsqu’il propose de retirer les mitrailleuses des avions pour résoudre les problèmes de poids des machines volantes.

De même, puiser son inspiration des romans de Tatsui Hori et imbriquer cette base pour rendre hommage à l’ingénieur, a permis au sensei d’amorcer la seconde étape de sa thérapie qu’il poursuivra avec le Garçon et le Héron dans lequel il revient sur la perte de sa mère qui était atteinte de la tuberculose. On pourrait d’ailleurs avancer, histoire d’enfoncer davantage le clou, que les derniers mots de Naoko, qui a succombé au même mal, lancés à son époux, « vis ta vie », nous étaient adressés, à nous autres spectateurs, comme pour nous rassurés alors que nous nous apprêtions à connaître un monde où ne serions plus amenés à être émerveillés par la magie du maître au cinéma.

En guise de conclusion, un point d’interrogation aurait pu être ajouté au titre du présent papier afin de nuancer le propos car on ne saurait qu’éprouver de la joie à l’idée que le vent continue de souffler (et on l’espère encore pour longtemps) pour le japonais qui a du mal à décrocher mais force est d’admettre que le Vent se Lève parvenait à conclure l’œuvre de Miyazaki de la manière la plus personnelle qui soit ! 8/10 !

vic-cobb

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6

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