Un preux chevalier et une princesse, des licornes et des monstres, des lutins et des fées... Après Alien et Blade Runner, Ridley Scott nous plonge dans l'univers traditionnel et onirique des contes et des légendes. Et rarement un titre aura autant défini un film, ses ambitions et ses limites. Ses ambitions, d'abord. Et elles sont grandes : être LE film des légendes. Pour cela, Scott a plongé la tête la première dans les univers de L. Frank Baum et de J.R.R. Tolkien pour créer son propre bouillon de culture. La légende, la vraie, raconte par ailleurs que le cinéaste britannique avait ce projet en tête depuis belle lurette et que la genèse remonte au temps où il réalisa son premier long, Les Duellistes. Très sensible à la beauté des paysages périgordins et aquitains où le film fut tourné, il souhaitait renouer avec une telle toile de fond pour une nouvelle aventure cinématographique.
Fervent admirateur des écrits de William Hjortsberg, auteur, entre autre, du roman Angel Heart, qui sera adapté quelques années plus tard par Alan Parker avec Mickey Rourke et Robert De Niro en têtes d'affiche, Ridley Scott commande le scénario de Legend à l'écrivain. Celui-ci lui remet un script de plus de 600 pages narrant une très sombre histoire ésotérique au moment des retombées financières catastrophiques de Blade Runner, futur film culte qui n'intéresse visiblement pas encore le grand public. Scott change alors la donne et recommande à Hjortsberg de remanier le scénario pour qu'il touche le plus large public possible. Suite à son infortune, il veut faire un carton commercial à l'image de celui de Dark Crystal, de L'Histoire Sans Fin, voire même de Star Wars. Il veut une histoire d'amour traditionnelle, voire puérile, des gentils vraiment gentils et des méchants vraiment méchants dans un univers limite guimauve, empli de couleurs, de paillettes et de petits animaux à la Disney. Hjortsberg obéit et livre à Scott exactement ce qu'il souhaite.
Dans un royaume féérique où la paix et l'harmonie règnent en maître sous la protection bienveillante d'un couple de licornes, Darkness, le seigneur du mal, choisit de répandre la mort et la désolation. La princesse Lili et Jack, un homme des bois, vont tenter de contrecarrer les plans obscurs du maître des ténèbres aux côtés de lutins, gobelins et autres fées...
Finalement, presque toutes les légendes sont dans Legend et, paradoxalement, c'est ce qui en fait ses limites. Car en brassant toutes les légendes, Scott n'en raconte aucune en particuliers. Du coup, son histoire manque cruellement de piment, mais aussi de rythme. Et si l'on peut parfois prétendre à sourire, grâce à l'ironie dont le cinéaste saupoudre son film, on ne tremble malheureusement jamais pour les personnages. On risque même, selon l'état d'esprit du moment, de s'ennuyer ferme. Mais si on a l'âme et le cœur disponible pour une histoire dénuée de fond, on prendra grand plaisir à cet univers de contes. Car Legend foisonne de forêts somptueuses, d'images magnifiques et de trouvailles géniales, illustrant une sorcière terriblement répugnante et un méchant minotaure en rouge et noir, aussi puissant que troublant (et remarquablement interprété par Tim Curry). Le genre de film que Cocteau aurait peut-être rêvé de mettre en scène, avec toutefois beaucoup plus de poésie et de fond.