Grande amatrice du genre « fantasy » au cinéma, c'est avec curiosité et espoir (il s'agit tout de même de Ridley Scott!) que j'ai entamé le visionnage de ce Legend. Je m'attendais à quelque chose d'enfantin, pas nécessairement très subtile, mais suffisamment divertissant et surtout riche en aventure et en décors pour me replonger avec plaisir dans cette ambiance, si difficile à reproduire, et pour laquelle mon mètre étalon est depuis longtemps le magnifique Willow de Ron Howard. J'espérais donc la création d'un univers immersif qui, s'il n'est que brièvement parcouru (film oblige) laisse suffisamment de place à l'imagination et donne un minimum de profondeur et de crédibilité au film.

Et quelle déception... de profondeur, ce film n'en a guère ! Lorsqu'on lit des interviews de Ridley Scott, on est surpris de la multitudes d'inspirations qu'il revendique : le monde qu'il nous présente et l'histoire qu'il nous conte sont si pauvrement classiques que l'on a du mal à imaginer qu'elles soient les fruits d'innombrables recherches et d'une subtile compilation des plus grands mythes de l'humanité. En se limitant à un résumé de légendes moyenâgeuses et une lecture caricaturale de passages très limités de la Bible, on a déjà l'essentiel des inspirations réelles du film. En effet, ce qui est réellement triste à propos de Legend, c'est qu'il se contente de repomper l'imaginaire chrétien occidental pour nous en offrir une version appauvrie et aseptisée.

Le méchant est rouge avec bouc et cornes et s'il ne s'appelle pas Satan ou Belzébuth, c'est uniquement pour donner l'illusion qu'il s'agit d'un personnage original ; des licornes dont le cri est en fait celui des baleines (sérieusement, vous pensiez réellement qu'on n'allait pas l'entendre ? Vous ne pouviez pas créer un son original ?) ; une princesse en détresse qui règne sur un Royaume qu'on n'aura jamais l'occasion de voir (sinon une vieille masure) ; des elfes, des fées des trolls ; une vague confrontation entre le jour et la nuit, « subtile » métaphore du combat entre le Bien et le Mal... Du jamais vu, n'est-ce pas ?

Le monde semble se résumer à une dizaine de personnages sans passé (difficile de construire un univers lorsque ces derniers n'évoque jamais le monde qui les entoure) ce qui réduit dramatiquement la portée des enjeux soi-disant universels de la quête de nos héros. Car en effet, outre le manque d'originalité et le manichéisme abrutissant du film, ce qui empêche le spectateur de s'impliquer un minimum dans l'histoire est l'absence totale de profondeur, non seulement des personnages, mais surtout de ce monde dont on semble continuellement toucher les limites. Tout est petit, rien n'a d'horizon : le « Royaume » se limite à une forêt et une ferme, le domaine de Darkness (quel nom, sérieusement!) se trouve dans le marécage du coin... Cet univers ne peut s'étendre au-delà des limites du film pour lequel il a été créé et ne peut donc pas transporter ou impliquer le public.

Mais tout n'est pas raté dans le film de Ridley Scott ! Les décors et les costumes ainsi que les plans et les effets de lumière sont somptueux (si l'on omet l'omniprésence de paillettes). Outre le costume de Darkness, j'ai particulièrement aimé la robe de la Princesse Lily, à la fin du film, qui donne au personnage une sensualité ambiguë lui seyant parfaitement – il est d'ailleurs à noter que la confrontation entre la Princesse Lily et Darkness est un des passages les plus intéressants du film. Le temple de Darkness, sa crasse, sa démesure, ses immenses trolls répugnants (et véritablement effrayants) sont un vrai régal pour les yeux, de même que la forêt dont une bonne partie est un décors filmé en studio.

Or c'est là l'essentiel du problème : Legend est une coquille vide, un objet sans intérêt servi dans un bel emballage. Le monde qu'on nous présente est une caricature d'univers médiéval-fantasique. Les personnages n'ont aucune profondeur et ne sont donc guère attachant. Quant au scénario très convenu, il atteint un degré de manichéisme puissamment agaçant.

Ezechielle
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le 5 janv. 2024

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