SAS Contre Superman (S.A.S. pour "Space Age Squad")

"On a marché dans la merde"

Sans perdre plus de temps que souhaitable sur ce film : cette approche rétro-futuriste était la seule adéquate pour une série de pure s.f. des "trente glorieuses", et elle expose dans leur nudité une grosse partie des impensés de l'époque sans les questionner. En somme, il n'y a plus que dans une série résolument tournée vers les enfants, que l'on peut faire passer le discours techno-solutionniste associé au personnage de Reed, porte-drapeau de la ''big science'' que jack kirby prenait tant de plaisir à représenter sous des formes baroques combinant l'art pré-colombien aux structures métalliques d'une raffinerie (avec plus d'imagination et d'exubérance que le centre Beaubourg). Transmettre aux gosses la nostalgie d'une ère industrielle triomphante (qui n'a pourtant pas disparu, seulement sa célébration sans nuance), c'est en somme le programme de nos amis MAGA ("make america great again"). Disneybitch qu'on avait crue "woke" y démontre qu'elle sait surtout se mettre au goût du jour sans idéologie préconçue (en cela une entreprise commerciale sachant caresser ses alliés politiques dans le sens du poil, quelle surprise).


Le rétro-futurisme caricatural (omniprésence d'écrans dont il est impossible qu'ils soient tous cathodiques) exposé ici, qui se contente de compiler les atours stylistiques de la société de consommation US d'après-guerre, est réactionnaire, ne serait-ce que par facilité scénaristique (...avec laquelle on fabrique en tous coins de la Terre des machineries géantes pour télétransporter notre planète, en l'absence de questionnement sur le passage de la téléportation d'un oeuf à celle d'une planète - mais Reed est le bon père, jamais le savant fou - bien qu'il s'en veuille quand même de les avoir exposés aux rayons cosmiques, bon sang il aurait dû y penser avant !). Par comparaison, histoire d'aider les gens bouchés (et oui, tout est politique, même quand ça expose seulement vos vues paternalistes occidentalo-centrées spécistes - etc.), il y a trente ans, Mars Attacks reprenait le ton satirique déjà présent dans les vignettes originales des sixties. Nous sommes donc revenus ici avant, dans la plus caricaturale des célébrations du ''progrès'' du space opera d'arrière grand-papa.


Les gosses de 4 à 7 ans auxquels le film est destiné ne pourront pas comprendre (déjà pour les ados, on peut en douter) que le film se réfère aux années 50-60. Ce retour tardif à l'esprit des comic books soulève donc des soucis que Marvel préfère refouler, quand le Superman de Gunn adopte la démarche exactement inverse, en prenant le risque de confronter son personnage bon enfant aux problèmes centraux de la société actuelle. DC trouve donc sa propre manière de revenir à l'esprit original des comic books, Gunn intégrant forcément la phase fin XXe destinée aux ados rebelles ultraviolents - le contraire de Marvel qui préfère dans cet univers parallèle où ''La Science'' a résolu tous les problèmes, les éluder, avec un film qui n'est qu'un empilement de clichés "iconiques" en plastoc refusant à toutes forces le moindre début de réflexion pour lui préférer le déni massif.

Quelle amère régression après l'audace des trois Captain America.


Cette solution de repli est facile, presque évidente pour un spectacle familial (un interlude trumpien?), à une époque où il n'est pourtant plus possible d'aborder l'histoire de l'occident sans examiner ce qu'il a fait au reste du monde (et à sa propre population, hein). Représenter ainsi les USA de la période de la décolonisation, dans tout le resplendissant déni idéologique qui laissait la voie libre aux exactions des services secrets... est donc une solution idéologiquement très orientée.

Sur la Terre n° 808, il n'y aura jamais de guerre du vietnam.

Mais on oublie un peu vite que DC avait déjà proposé un monde dans lequel les super-héros avaient créé un présent alternatif où les USA avaient gagné au vietnam et pouvaient continuer à se prendre pour les flics-héros de la Terre. C'était Watchmen - possiblement une dystopie?


DC et Marvel délaissent conjointement la patte stylistique sombre que le Dark Knight du fascisant Frank Miller avait imprimée sur les ''funnies'' (heu, ''comics'') pendant quatre décennies. Seul DC ose s'engager enfin dans une voie originale tentant de réconcilier l'esprit ''boy scout'' (sans les implications militaires et religieuses :p) des vieux comics, leur fantaisie, et la lucidité a posteriori sur le monde qu'ils glorifiaient. Ce qu'Alan Moore avait tenté avec ''America's Best Comics'' - l'hommage à l'imaginaire de la "big science" Tom Strong, et sa satire Jack B. Quick, deux références à la série de romans pour enfants du début du XXe siècle Tom Swift.

Mais peut-être ce quatrième fantastique n'est-il qu'un intermède, une mignonne bulle temporelle décorative, comme la ''boule à neige'' dans Watchmen. Or peut-on affirmer : ''snowball, je ne boirai pas de ton eau''.

ChatonMarmot
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le 24 sept. 2025

Modifiée

le 1 oct. 2025

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ChatonMarmot

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Les 4 Fantastiques - Premiers pas
analysedemerde
1

C'est pas cheap, c'est rétro-futuriste.

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