Les petits problèmes de Jack Burton dans le grand pays du Cinéma



Le film "Big Trouble in Little China", réalisé par John Carpenter en 1986, nous confronte à une exploration audacieuse des conventions du cinéma d'action et des archétypes du héros au moment ou la mondialisation du cinéma s'opère avec ici l'influence du cinéma Chinois.


Ces frontières éclatées de la géographie du Monde s'accompagne d'une frontière aussi qui se brouille et permet de mêler la comédie à l'action-horreur.


Le film commence avec une Radio, comme dans "The FOG" mais cette fois juste pour raconter des blagues.


Film labyrinthe fait de conduits, de sous sols et d'ascenseurs improbables. Les héros sont perdus dans une configuration des lieux qu'on ne saurait pas reproduire. Un espace mental qui préfigure une sorte de version comico exotique de l'antre de la folie.




Antihéros


Carpenter aime les anti-héros, son plus connu : Snake Plisken est un mec qui vit pour lui. Trace sa route et son individualisme, car il est digne, par capillarité sert la société.


Ici c'est différent. On est dans une comédie. L'élément clé de subversion dans ce film réside dans le personnage principal, Jack Burton, interprété par le talentueux Kurt Russell qui revient de "Escape from New York" pour être parachuté dans Chinatown SF. Des le départ jack Burton est raconté dans une scène d'interrogatoire comme étant un héros malgré les apparences. Contrairement au héros typique, Burton est un antihéros maladroit, vaniteux et sans compétences en arts martiaux. Au lieu de devenir le sauveur héroïque, il se retrouve constamment en difficulté, obligeant les autres personnages à assumer un rôle de héros. Il brille par sa simplicité et de sa vanité.


Ceci subvertit délibérément l'archétype du protagoniste fort et compétent qui règne généralement dans les films d'action. Carpenter propose une perspective rafraîchissante, remettant en question la notion traditionnelle de ce qu'est un héros au cinéma car justement ici Jack Burton est celui qui permet aux autres de se révéler héros et de briller.


On est pas dans le héros aux 1000 visages, dans une l'odyssée du personnage principal lui enseigne des choses. Tout comme le Hubert Bonisseur de La Bath dans OSS117, Jack n'a rien appris du film. Le spectateur si.


"Big Trouble in Little China" peut également être interprété comme une allégorie de l'Amérique de l'après-Vietnam. L'incapacité de Burton à contrôler la situation, malgré sa vanité, reflète l'incertitude et l'humilité forcée que les États-Unis ont dû affronter après leur implication dans la guerre du Vietnam. Carpenter offre un commentaire subtil sur l'impact de cette période sur l'image de l'Amérique en tant que nation « invincible ».



Les temps anciens


Chinatown devient un microcosme de la société américaine, où des cultures et des réalités différentes se heurtent. La juxtaposition de Chinatown avec le monde occidental est une métaphore puissante des relations internationales et de la coexistence des cultures.

Le film oppose la culture ancestrale chinoise à la jeunesse d'un pays qui a peu vécu (mais à déjà une dette (cf "The Fog"). Cette culture chinoise, elle est disséminée avec une remarquable économie : on arrive à comprendre pas mal de choses à partir de très peu d'éléments.


L'un des atouts majeurs de "Big Trouble in Little China" est l'action palpitante et les scènes de combat spectaculaires. La caméra y est mouvante, pleine de vie et inspirée. Ca revitalise le cinéma à l'aide d'un sang neuf tiré d'un cinéma et d'une culture ancestrale.


Si le film est comique, il ne se moque jamais des traditions chinoises.



La Magie Comme Pouvoir et Corruption :



À l'opposé de Jack Burton se trouve Lo Pan, le sorcier millénaire qui cherche à rompre la malédiction qui le maintien en vie tout en étant un fantôme. James Hong incarne ce personnage avec une intensité effrayante. Lo Pan est à la fois effrayant et pathétique, un antagoniste qui s'éloigne des archétypes du mal pur classiques de Carpenter. Il ajoute une profondeur inattendue à l'intrigue, mélangeant la terreur et la pitié.


Les éléments de magie et de surnaturel dans le film peuvent représenter le pouvoir et la corruption. Lo Pan, le sorcier millénaire, incarne un désir de pouvoir absolu qui a des conséquences dévastatrices. L'obsession du pouvoir mène à la déshumanisation, ce qui soulève des questions plus profondes sur la nature du pouvoir dans la réalité. Ce film est le négatif de "Prince des ténèbres" lui même un film sur l'inversion. Il y est question d'une force maléfique ancestrale identifiée qui vient visiter les vivants et manifester sa sorcellerie. Dans les 2 films, quel que soit le degré d'humour, le Mal est à prendre au sérieux.



L'Échec au Box-Office :


"Big Trouble in Little China" n'a pas connu le succès attendu lors de sa sortie. Cela peut s'expliquer par la difficulté à classer le film dans un genre cinématographique traditionnel, ce qui a pu dérouter le public. Cet échec va nourrir la colère de John Carpenter concernant le formatage des esprits. Si même une formule qui allie buddy movie, comédie rythmée et action généreuse ne trouve pas le public juste par ce que le film n'est pas un clone direct de ce qui existe déjà, alors tout espoir est perdu. C'est la graine qui va donner naissance au très sombre "Prince of Darkness".



Mondialisation


Film de mondialisation, "Les aventures de Jack Burton" constitue à nouveau chez Carpenter une œuvre de son temps, voire en avance sur son temps 13 ans avant Matrix. Il annonce par sa structure de déambulation d'une pièce à l'autre les traversées des donjons dans Zelda, on aura même dans le combat final 2 opposants qui s'affronterons à distance avec des manettes et des avatars.


On saluera le travail bien fait, mais je dois avouer que ce n'est pas sur ce genre de spectacle que j'attends Carpenter et je trouve qu'il tombe quand même dans des fautes de gout. S'il rit gentiment avec ses personnages il reste un peu lourd comme un gros camion, en particulier sur les scène de drague.


Il reste que "Les aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin", s'il est clairement une proposition généreuse d'ouverture du cinéma occidental vers un nouveau type de spectacle issu d'autres cultures, il constitue également un avant-gout de "They Live" : une attaque contre le cynisme américain qui consiste à aimer manger de la merde.


Dlra_Haou
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le 9 nov. 2023

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Martin ROMERIO

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