What's the fog ?
Fog, c’est mi-effrayant, mi-bien, mi-chiant… Ce qui nous donne donc trois moitiés, cette critique s’avère mal barrée. Premier quart du film et ça commence plutôt très bien, les vingt premières...
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le 31 juil. 2013
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"The Fog" est comme un songe brumeux. Un conte d'horreur raconté sous la Lune au coin du feu. Le film va explorer l'idée que l'innocence n'est souvent qu'une façade dissimulant des péchés passés, et que le temps et le destin sont inévitables. Ca passe par une opposition d'une part entre le lien de l'héritage que l'on ne choisi pas, un destinée qui nous tombe dessus et nous contraint. Et d'autre part dans les liens que l'on doit construire pour bâtir une communauté humaine digne.
The Fog est un vrai film, radical et froid, sur le mérite.
L'intrigue se déroule dans la petite ville d'Antonio Bay, qui porte un lourd fardeau de mensonge, de vol et de meurtre enraciné dans son histoire. Le film commence par des phénomènes étranges qui surgissent alors qu'une malédiction plane sur la ville. Le brouillard devient une barrière qui isole les résidents et dévoile des marins fantômes vengeurs. Les horloges omniprésentes soulignent l'importance du temps, de la transmission, et de la culpabilité.
Au fil de l'histoire, les résidents découvrent la vérité sur le péché originel de leur ville, tandis que le brouillard dévastateur les traque. La communication par le biais de la radio devient vitale pour leur survie.
Dès le début du film, dans l'église de la bourgade, John Carpenter éteint lui-même les lumières, plongeant la salle dans l'obscurité, nous préparant ainsi à plonger dans un monde de rêve. Lorsqu'il évoque le sujet de l'argent (son salaire) avec le prêtre, une brique tombe du plafond, entraînant avec elle le livre interdit de l'ancêtre du prêtre Malone. Une confession qui va révéler le mensonge sur lequel Antonio Bay s'est bâti : le meurtre et le vol de l'équipage du bateau Elizabeth Dune.
Du jeu sur les zones d'ombre on en aura beaucoup. Carpenter réutilise l'excellence technique que l'on trouve dans "Halloween", notamment dans la gestion des zones d'ombre et l'utilisation du format cinémascope dans des espaces restreints. Par exemple, la scène d'attaque du chalutier est particulièrement impressionnante, grâce à un jeu subtil d'arrière-plan et d'avant-plan. Un autre parallèle peut être établi avec "Halloween" lorsque le père Malone apparaît depuis l'arrière-plan, dissimulé dans l'ombre et fait peur à ses visiteurs, une technique similaire à celle utilisée pour l'une des apparitions les plus mémorables de Michael Myers. Ces éléments techniques contribuent à renforcer l'atmosphère de cette petite ville de province, confrontée au retour du passé, qui constitue l'un des fils conducteurs du film. Ainsi The Fog partage avec Halloween 2 caractéristiques clefs :
"The Fog" est un film remarquablement condensé et de courte durée. Une thématique temporelle omniprésente parcourt le film. Dès les premiers instants, John Carpenter délibérément juxtapose une montre à gousset et des enfants rassemblés autour d'un feu dans un même plan.
Dès le départ, l'horloge est en marche :
Les enfants, filmés au son du tic-tac de l'horloge, deviendront adultes, vieilliront et finiront par mourir. Peut être leurs actions laisseront elles une trace sur le Monde.
Au-delà de la simple notion de passé qui revient hanter, le film explore une tragédie plus profonde. Il ne s'agit pas seulement du retour du passé, mais de la nature cyclique et inévitable du temps, qui nous mènera tous à la mort. Cette notion de boucle temporelle est subtilement renforcée par la bande-son, qui s'entrelace et se répète, notamment lors de la séquence de répétition de la cérémonie de célébration. Elle est également perceptible dans le ressac des vagues de la mer et se manifeste de manière explicite à la fin du film : les meurtres ne sont pas terminés, et l'appel radio annonce avec insistance :
Watch the Sky
L'héritage n'est qu'un retour du même.
Antonio Bay n'est pas hantée pour une nuit d'anniversaire. Elle est maudite à tout jamais.
"The Fog" explore les mythes dont on hérite, en particulier le péché originel de l'église, qui a érigé sa grandeur et son influence sur le mensonge, et même sur le vol et le meurtre. Ce thème sera traité à nouveau avec davantage de fioritures baroques dans le film ultérieur de Carpenter, "Prince Of Darkness"
Le film va alors travailler la question chère au cinéma de Carpenter de la contamination (notamment par contagion de la peur) mais cette fois-ci il y ajoute un axe particulier sur l'héritage par transmission.
• La transmission des superstitions
• La transmission des histoires
• La transmission de la peur
• La transmission de la culpabilité
• La transmission du patrimoine
La transmission radio, omniprésente est un véhicule qui va aller sur le terrain pour faire comprendre la situation à des personnages séparés par le montage alterné et leur permettre d'agir dignement.
Leur héroïsme découle en partie de cette situation : ils se comportent en héros sans être certains que d'autres joueront leur rôle. La perte de foi en leur mythe fondateur coïncide avec une montée de la confiance envers le potentiel héroïque des autres.
La brume du Titre est celle qui brouille les limites et les frontières, que ce soit celles qui séparent les époques, les espaces, ou, de manière plus prosaïque, qui isole les proies de leurs prédateurs. Mais le brouillard dans "The Fog" est plus que cela ; il devient une entité en soi, une barrière avançant inéluctablement, prenant le dessus sur celles érigées par les Hommes.
"The Fog" est avant tout l'histoire d'une communauté qui réussit à maintenir le lien malgré le brouillard menaçant qui les isole et malgré le mensonge qui constitue le ciment initial de leur sentiment de communauté.
Dès les premières images, la radio est présente dans la bande-son. Elle incarne le lien crucial entre les groupes de personnages dispersés dans des lieux différents et isolés par le brouillard. La radio représente aussi l'oralité, les histoires partagées, les mots échangés qui établissent une connexion et permettent la transmission entre les générations (comme le vieux conteur du début racontant son histoire aux enfants).
La technique du montage alterné, rare chez Carpenter, sera explorée de manière plus formaliste et sophistiquée dans "Prince des Ténèbres" mais dans "The Fog", plus brute, elle incarne une authentique nécessité pour les Hommes de rester connectés malgré les ruptures entre les plans du film.
La malédiction qui plane sur Antonio Bay est glaçante. Il ne s'agit pas d'une simple vengeance où les enfants de cette petite communauté paient la dette de leurs parents. C'est bien plus sinistre que cela.
Les actes originels de leurs ancêtres ont engendré une force maléfique qui se matérialise sous la forme d'un brouillard glacial, traquant systématiquement les descendants d'Antonio Bay pour les anéantir. Il ne s'agit pas tant de rembourser une dette que de subir les conséquences d'un monde corrompu et devenu inhospitalier. Les marins fantômes, dans leur comportement mécanique, incarnent la déshumanisation du jugement. Pourtant, cette déshumanisation s'étend aussi aux habitants d'Antonio Bay, en particulier à la maire qui maintient obstinément son déni face à la réalité et au passé. Dans une scène mémorable de la cérémonie d'anniversaire, son discours, transformé en un murmure robotisé, récite un texte sans vie.
Une fois de plus, le film de Carpenter expose des héros qui luttent désespérément contre la transformation en automates, contre la mort promise à ceux qui résistent.
Les États-Unis sont une nation jeune, dépourvue de contes horrifiques ancestraux, et en quête de son propre folklore. Ces mythes naissent alors du sang des Amérindiens, dont les terres ont été volées et dont les cadavres restent frais sous le sol foulé par les états-uniens. On a aussis la tendance Lovecraftienne qui va de son côté construire des mythes issus de puissances antérieures aux civilisations européennes comme une surenchère dans le passéisme. Cette Amérique occidentalisée est trop récente pour avoir des contes païens, mais suffisamment âgée pour porter le fardeau de ses péchés.
Le choix de Carpenter de dévoiler la vérité sur l'Elizabeth Dane dès la première séquence est significatif. Contrairement à d'autres films d'horreur comme "Freddy : les griffes de la nuit", où la révélation de la culpabilité enfouie survient comme un Deus Ex Machina, dans "The Fog," chaque spectateur, chaque personnage, y compris les enfants, détient une part de vérité au moment même ou l'histoire commande. L'innocence n'existe pas. Cela sous-entend que ceux qui feignent l'ignorance du péché originel le font délibérément.
Nous sommes tous coupables de notre innocence et ce fardeau pèse sur chaque habitant d'Antonio Bay, créant une atmosphère de culpabilité et d'inévitabilité dans ce conte obscur. Raconter c'est être responsable.
Il faut donc continuer à raconter des histoires, pour créer du lien. Mais il faut que ces histoires soient honnêtes pour produire un héritage et une transmission qui permette de rester digne et résilient.
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le 2 nov. 2023
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