Robin des Bois version Curtiz, c'est un peu l'équivalent d'un top tier du jeu vidéo porté au cinéma. Un héros qui survole (littéralement) ses ennemis avec une facilité déconcertante. Errol y est sans doute pour beaucoup. Flynn, fleuron de la forêt, fine fleur du fleuret, fleure bon le flibustier effleurant l'ennemi de ses flèches, ce dernier flippant déjà de manière flagrante devant la flopée de rebelles au langage fleuri rejetant toute flagornerie, flairant fissa les intentions de leur fidèle chef de file au physique flatteur. Robin, justicier en collant vert, ne fait cette fois pas figure de simple sidekick. Errol affiche toujours son sourire le plus ravageur, il est ultra charismatique, il est fougueux, il est un chat qui se meut naturellement dans un Sherwood varié: ce que vous appelez un rocher infranchissable, il appelle ça une marche. Ce que vous appelez une armée belliqueuse, il appelle ça une bande de potes.


En résulte une série de cascades impressionnantes, des duels à l'épée - ou même au bois - flamboyants, filmés au cordeau en prises proches ou vues larges, mais toujours avec très peu de cut. Ca sautille, ça virevolte, on croirait presque du Tsui Hark, quarante ans avant l'heure. C'est un peu dur de l'admettre, mais on n'est quasiment plus capables de nos jours, malgré (à cause d' ?) une profusion de moyens techniques/numériques, de filmer l'action de manière aussi lisible et dynamique, et d'obtenir un tel rendu. Jeux d'ombres et de lumières, jeu sur différent plans, à deux ou avec foule, sur un tronc faisant office de pont lors de sa rencontre avec Little John (pas sûr pour l'extrait), ou sur des marches. Autant d'idées qui seront reprises par Mel Brooks dans son décalé Men in Tights et son Cary Elwes très Flynnesque par ailleurs, c'est à dire bourré de classe lui aussi.


On pourrait avoir l'impression que Flynn s'amuse, alors que rétrospectivement il avouera avoir trouvé ce rôle ennuyeux. Le fait d'avoir entamé le tournage avec William Keighley, avec qui il s'entend très bien, avant de devoir se farcir Curtiz histoire de ficeler des scènes d'action dignes de ce nom n'a sans doute pas aidé, les deux hommes ne se supportant pas (Flynn avait une très mauvaise mémoire en ce qui concerne les dialogues...et puis bon, il s'est marié avec l'ex-femme du réalisateur, tout ceci explique pas mal de choses m'est avis)


La belle Olivia de Havilland est là (avec Errol pour la troisième fois déjà), son regard de braise à transformer n'importe quel homme en milkshake, sa douceur au goût de lait fraise. Dommage que son charme soit en partie occulté, la belle étant couverte jusqu'à la tête du début à la fin du film, exception faite d'une séquence. Patrick Knowles est un excellent choix pour incarner Will Scarlett O'Ha... Un Prince John opportuniste est campé par Claude Rains, tandis que le brillant Basil Rathbone prend les traits de Sir Guy of Gisbourne. Howard Hill "world's greatest archer", qui effectuera lui-même la prise finale du concours d'archers, le fameux split. Alan Hale, Little John pour la deuxième fois dans un film. Il retrouvera le personnage une troisième fois dans La Revanche des Gueux, son dernier rôle, 28 ans après sa première partition de Little John dans le Robin des Bois de 1922. C'est un Richard Coeur de Lion (à ne pas confondre avec notre Richard Lieur de Cons à nous) royal que nous offre Ian Hunter. Et puis le sympathique Eugene Pallette dans le rôle de Frère Tuck, initialement proposé à Orson Welles, tout comme celui du Roi Richard. Il les refusa tour à tour.


Les Aventures de Robin des Bois constitue LE classique par excellence, dans le sens noble du terme. Une oeuvre qui ne vieillit pas, ou bien le fait avec charme et classe. Un film qui marque l'esprit des spectateurs, in the flèche.

Gothic
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le 10 janv. 2016

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